Le blues de l’éducateur


Article tiré à partir du mémoire 2007 d’une élève de l’école nationale de santé publique appelée à devenir chef d’établissement d’accueil.

(disponible sur http://ressources.ensp.fr/memoires/2007/desms/courtais.pdf)

Tu crois qu’ils vont venir ?

Nous précisons que si nous mentionnons ou synthétisons quelques éléments de cette étude, nous allons plus loin en portant des appréciations ou en soulevant des objections qui n’apparaissent pas dans ledit mémoire.

Ce mémoire est relatif au pôle Villepinte-Saint Denis-Tremblay en France, établissement autonome dit Centre Départemental Enfants et Familles (CDEF)  prestataire de services pour le département de Seine Saint Denis, en l’occurrence  recevant des mineurs placés par l’ASE et  rémunéré pour ces placements sur la base d’un forfait journalier.

Cet établissement propose 122 places dont 35 places d’accueil d’urgence, le reste en accueil à moyen terme. Il dispose d’une école en interne pour les enfants, d’un service médico-psychologique, de services administratifs et de services généraux. Le personnel de l’établissement se monte à 175 employés aux deux tiers féminin, qu’ils soient personnels administratif, technique ou « éducatif ».

 Le travail réalisé est une photographie des conditions de travail et de l’état d’esprit du personnel de ce centre et s’intéresse en particulier à l’absentéisme. La stagiaire, dans une démarche de résolution de problème, en fait la source d’un dysfonctionnement de l’organisation du travail dans la structure étudiée.

 L’absentéisme est en effet important particulièrement pour les administratifs (33 jours en moyenne par an et par agent) et pour les éducateurs (24 jours en moyenne par an et par agent avec un recours important aux congés maladie). Les psychologues sont aussi souvent malades, la proximité avec le public semble donc avoir des implications inquiétantes sur la santé de ces personnels.

Ceci a des implications importantes sur le fonctionnement et les coûts de fonctionnement de l’établissement. L’absence chronique de certains éléments occasionne un transfert de travail non anticipé avec recours important aux heures supplémentaires. Ce surcroît de travail est source de démotivation  et de dégradation de la qualité de prise en charge des enfants même en cas de recours à des vacataires.

En effet, la rotation fréquente de vacataires ne permet pas une implication importante de ceux-ci aux détriment des jeunes, lesquels en recherche de repères ne les trouvant pas, éprouvent un sentiment de mal-être propice aux conflits.

Les services se trouvent également désorganisés par les conséquences du recours aux heures supplémentaires suivis de repos compensateurs ou de congés maladie, eux-mêmes à la source  de nouvelles absences. Quant aux vacataires ils ne sont pas nécessairement capables ou habilités à prendre en charge les jeunes en soirée et de nuit. On pourrait aussi s’inquiéter de la façon de recruter ces vacataires dont le profil peut poser problème.

 La stagiaire va sérier les causes possibles d’absentéisme avant d’émettre des préconisations. Dans une démarche « gestion du risque », elle envisage les risques d’accidents de travail et de maladie professionnelle Puis, elle aborde  dans une démarche « pérennisation »  les dysfonctionnements éventuels lié à l’organisation du travail en rapport avec la structure de l’organisation. Enfin, elle s’interroge sur la motivation des éducateurs.

Il ressort des enquêtes qu’elle a menées qu’un risque important évoqué notamment par le personnel éducatif est celui d’agression, comprendre agression de la part des enfants placés. Voila qui nous inquiète davantage encore sur l’état d’encadrement avec les risques que courent les enfants les plus paisibles dans ces établissements, si des éléments violents les côtoient.

L’organisation du travail laisse beaucoup d’autonomie aux équipes et la répartition des tâches fait apparaître un beau bordel, pas de définition des activités bien précise et manque de planification de la charge de travail dans le temps, quant aux règles et procédures de travail, elles sont mal connues donc peu respectées.

La motivation semble poser moins de problèmes, il est certain qu’au travers de questionnaires il est difficile pour un éducateur de faire état d’autre chose que de sa vocation à s’occuper des enfants des autres et son épanouissement dans une telle tâche, pour les administratifs il en va tout autrement, ils se plaignent d’une mauvaise répartition du travail, de charges trop lourdes … Certains envisagent d’aller ailleurs.

En dehors des recommandations assez théoriques sur les moyens et finalités de la motivation qui peuvent relever d’un cours de management des ressources humaines de niveau BTS, les préconisations plus pratiques de la stagiaire sont de bon sens avec la mise en évidence d’un mal-être psychologique qui ne saurait être résolu par de simples mesures relatives à l’hygiène et à la sécurité. Un comble tout de même, les psychologues de la structure auraient pu s’atteler à ce problème, mais comme il l’a été démontré ils sont parmi les plus touchés par l’absentéisme (24 jours de congé maladie ordinaire par an en moyenne pour les psys, un comble vous dis je). Les psychologues souffrent donc, pour partie, d’un mal être psychologique.

Le relationnel interne peut aussi être facteur de telles pressions, elle propose donc de revoir les affectations et emplois du temps afin de mieux répartir les charges de travail, certains tireraient-ils plus au flanc que d’autre ?

Alors que la réponse habituelle de certains consultés à tous ces problème consiste à exiger la création de nouveaux postes, elle rejette cette proposition qui reviendrait, comme elle le dit, à s’accommoder de l’absence par la création de postes. Repensons à cet argument lorsque nous entendrons des éducateurs demander des postes supplémentaires sachant de plus qu’un enfant sur deux n’a rien à faire dans de telles structures. Ce qui reviendrait plutôt à revoir la politique de placement et à fermer un certain nombre d’établissement en commençant par les plus dangereux.

5 réflexions au sujet de « Le blues de l’éducateur »

  1. Un rapport pas trop nunuche, c’est pas les moyens financiers qui leur manquent, plutôt les moyens intellectuels

  2. « …sachant de plus qu’un enfant sur deux n’a rien à faire dans de telles structures… ». Pourriez vous donner vos sources ?
    et si ce chiffre est vrai. quelle est la logique de la protection à l’enfance en france ? remplir les structures coûte que coûte ?

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