Quelle réponse aux délits ?
Les dépôts de plainte sont un marqueur de l’insécurité dans une société.
Pour autant ces dépôts de plainte aboutissent le plus souvent à des classements sans suite.
Malheureusement cette situation ne date pas d’hier, même si le passage de Christiane Taubira à la justice n’a pas amélioré la situation.
Ainsi, comme le précisait le rapport sénatorial Haenel (http://www.senat.fr/rap/r97-513/r97-513_mono.html) réalisé il y a déjà presque 20 ans le taux de classements sans suite est élevé : « En 1995, l’ensemble des Parquets de France a été destinataire de 2,2 millions de plaintes, dénonciations et procès-verbaux relatifs à des crimes, des délits et aux contraventions les plus graves et imputables à des personnes identifiées ; or, 1,450 million, soit 53% ont fait l’objet d’un classement sans suite, 553.000, soit un peu plus de 25% ont débouché sur un acte de poursuite, le surplus n’avait pas encore donné lieu à des orientations lorsque les statistiques ont été établies courant 1996. »
Une situation perverse, nuisible et dangereuse
Or, comme l’a fait remarquer le procureur général de la Cour d’Appel de Colmar, Monsieur Olivier Dropet, lors de l’audience de rentrée de janvier 1998 consacrée au problème du taux élevé de classements sans suite, « une situation de cette sorte est perverse, nuisible et dangereuse. La possibilité de passer à travers les mailles du filet de la répression ne peut qu’encourager les auteurs d’infractions à persévérer dans la voie délictueuse, les personnes et les biens de nos concitoyens ne sont plus suffisamment protégés, le sentiment d’insécurité se développe en se nourrissant d’exemples concrets, les services de police et de gendarmerie, constatant que leur action n’est pas vraiment relayée par celle de la justice risquent de se démobiliser … «
Le rôle du procureur
Si un tel classement est mal vécu par les personnes qui prennent la peine de porter plainte dans le contexte généralement anxiogène lié à leur statut de victime, il n’existe pas d’autres solutions à apporter lorsque les plaignants confondent la procédure civile avec la procédure pénale.
Effectivement, on peut avoir été lésé sans pour autant que l’auteur des faits ait commis un délit. On ne dépose pas plainte contre un cafetier qui renverse par inadvertance un café brûlant sur son client, ou contre le voisin qui n’entretient pas le mur mitoyen. On subit ces maladresses ou négligences, mais il convient non pas d’aller voir la police mais de réclamer des dommages et intérêts en citant soi-même l’autre partie devant un tribunal. On parle là d’une procédure civile, le gendarme ou le policier expliquera alors que de tels faits ne justifient pas d’une plainte. Et si plainte a été prise, elle sera classée pour absence d’infraction.
En effet, le procureur représente l’État garant de la sécurité des citoyens, c’est donc au nom de l’État qu’il prend la décision de poursuivre ceux qui commettent des infractions prévues par le code pénal. Les poursuites n’ont donc pas pour intérêt premier de satisfaire le désir de la victime de compenser les dommages subis, mais de protéger la société contre les délinquants.
L’inégalité devant la plainte
Ceci étant précisé, une plainte qui aboutit doit qualifier précisément une infraction qui existe dans le code pénal. Or nous ne sommes pas tous égaux quant à notre capacité de nous exprimer à l’oral ou à l’écrit. Nul besoin en théorie d’être juriste pour déposer une plainte en gendarmerie ou saisir le procureur par écrit, mais quelques plaintes sont tellement mal exprimées, lacunaires quant aux éléments factuels qualifiant les faits incriminés que le classement sans suite tombe pour infraction insuffisamment caractérisée.
Ce motif de classement peut aussi tomber pour des cas d’infractions parfaitement caractérisées.
S’agirait-il là alors de mettre davantage l’accent sur telle ou telle infraction ou pire de désencombrer la justice ?
Classer pour désencombrer la justice !
En réalité nous assistons là à un glissement de la politique pénale à l’heure où le terme d’incivilités permet d’excuser bien des délinquants. Sur ce point donc la situation actuelle a empiré depuis ce qu’avait pu observer le sénateur Hubert Haenel : « De l’aveu même de certains magistrats, la psychologie de certains d’entre eux n’est pas étrangère non plus à ce phénomène qui disqualifie certains vols et autres atteintes aux biens voire aux personnes en de simples » incivilités « . D’aucuns hésiteraient même à trouver un intérêt social ou thérapeutique à la poursuite et à la condamnation. ». (http://www.senat.fr/rap/r97-513/r97-513_mono.html)
Oui, les idéologues qui n’ont trouvé aucun intérêt social à poursuivre les malfrats ont depuis occupé les plus hautes fonctions à la justice. On ne s’étonnera donc pas que le classement par opportunité ait dépassé les 25 à 40 % des sans suite comme s’en inquiétait le rapport sénatorial sur la question, mettant en évidence l’inégalité de traitement des justiciables selon les parquets.
Classement par opportunité : des délits non poursuivis
Toujours dans son discours à l’occasion de l’audience de rentrée en janvier 1998, le procureur général près la Cour d’appel de Colmar, précisait les limites qui encadrent le principe d’opportunité : » Cette faculté de classement accordée au procureur doit toutefois être utilisée avec réflexion et prudence et exige de sa part des références éthiques et morales lui évitant de tomber dans l’arbitraire ou la faiblesse, de donner libre cours à ses préjugés, voire même de se laisser emporter par la crainte ou l’amitié. Il importe qu’en toute circonstance, le procureur de la République évite de donner le sentiment d’impunité au délinquant, le sentiment d’abandon à la victime et l’impression de laxisme à ses concitoyens. (…) insidieusement, lentement mais sûrement, l’exception, à savoir le classement sans suite pour opportunité, empiète sur la règle, c’est-à-dire l’exercice des poursuites pénales contre le délinquant. »
On l’a bien compris, le niveau actuel de classements selon le principe d’opportunité consacre le sentiment d’abandon de la majorité des victimes dans ce pays.
Quelle égalité en droit faute d’enquête suite aux plaintes ?
L’autre caractéristique de la procédure pénale, inhérente à sa nature (eh oui rappelons que le pénal relève de l’initiative de l’État) est son caractère inquisitoire. Ceci signifie que ce n’est pas la victime qui recherche les preuves mais l’État par l’intermédiaire d’un juge commis pour instruire l’affaire et justement appelé juge d’instruction.
L’avantage d’une procédure inquisitoire est qu’elle met les moyens de l’État à la disposition des justiciables permettant théoriquement l’égalité en droit de chacun, qu’il soit puissant ou misérable.
Pourtant comme le précise le rapport sénatorial Haenel, il existe d’autres priorités, ainsi « Certains » parquetiers » nous ont en effet indiqué qu’il n’y avait pas d’autres moyens de gérer les dossiers qui s’accumulent. » On fait ce que l’on peut quand l’armoire est pleine » nous a déclaré un procureur de la République. La notion d’inopportunité des poursuites devient alors très extensive et masque en réalité le classement sec. »
Une application du principe « trop de plaintes tue la plainte » en quelque sorte. Mais classer ainsi une plainte c’est démoraliser la victime et servir le sentiment d’impunité des délinquants.
Quant on en arrive là, on comprendra que dès qu’il s’agit de déposer plainte contre X, la démarche devient trop souvent un simple passage obligé pour les besoins des assurances ou une perte de temps pur et simple.
Les voitures brûlées des Saint Sylvestre n’inquiètent pas trop les incendiaires, il est moins sécurisant de s’en prendre au scooter d’une personnalité. En dehors des affaires signalées, et comme le précise le rapport Haemel : « dès l’entrée au bureau d’ordre, les procédures établies contre X sont mises à part, sauf quelques rares cas. L’orientation future du dossier est donc totalement laissée à l’initiative des services qui établissent les procès-verbaux : le fait de transmettre une procédure contre X au Parquet équivaut à la vouer au classement sans suite. »
Pourtant une simple enquête préliminaire des services de gendarmerie ou de police auraient pu permettre de trancher ce cas de délinquance de voie publique.
D’ailleurs « Tous les procureurs reconnaissent que, lorsque les classements sont motivés par l’absence d’identification de l’auteur de l’infraction ou de l’insuffisance des preuves recueillies, un meilleur contrôle de leur part leur permettrait de requérir plus souvent des compléments d’enquête, voire l’ouverture d’informations judiciaires dans les cas où les services de police et de gendarmerie ont mené des investigations qui pourraient être plus approfondies. »
Tester le Ministère de l’Intérieur
Ceci étant dit, nous ne savons pas comment vont réagir les 945 propriétaires de véhicules vandalisés dans la nuit de la Saint Sylvestre face au risque de classement sans suite de leurs plaintes. Ils ont cependant dû être rassurés par les assurances de Monsieur Brandet, porte-parole du ministère de l’Intérieur, qui a affirmé : « Ces faits ne sont pas tolérables, et leurs auteurs doivent être recherchés et répondre de leurs actes devant la justice. »
Le CEDIF prend donc sur lui de le tester sur cet engagement car la défense des familles est incompatible avec l’impunité habituelle de ceux qui y portent atteinte, attendez vous donc à une suite pour cet article.
La CEDH depuis qu’elle n’ a plus qu’un juge unique pour décider des recevabilités les erreurs sont plus nombreuses que l’on pourrait le penser jusqu’a la mi 2010 il y avait trois juges donc le risque de partialité était moindre..
Exemple on pouvait invoquer la cour en raison de…
L’épuisement des voies de recours internes vis a vis de la CEDH
Le Principe
L’article 35 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme stipule que : « La Cour ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes ».
Cela signifie qu’on ne peut poursuivre un Etat devant le Cour européenne que si on lui a laissé la possibilité de remédier à la violation invoquée au niveau national.
L’épuisement des voies de recours comporte deux aspects :
– l’épuisement des griefs : c’est à dire que le requérant doit avoir invoqué « en substance » devant les juridictions nationales le grief qu’il fait valoir devant la CEDH (Guzzardi c/ Italie, 10 mars 1977, D. et R., p. 185, paras 70 s.). Le fait de ne pas avoir expressément invoqué la CEDH devant le juge national n’est pas forcément rédhibitoire si le grief invoqué devant le juge national est équivalent au grief tiré de la Convention.
– l’épuisement des instances : l’épuisement des voies de recours doit être démontré par le requérant; quant à l’Etat défendeur qui invoquerait le non épuisement des voies de recours, il devra prouver l’existence au niveau interne d’un recours effectif qui n’aurait pas été exercé.
L’assouplissement du principe
La règle de l’épuisement des voies de recours interne « ne s’accomode pas d’une application automatique et ne revêt pas un caractère absolu » (Akdivar c/ Turquie, 16 septembre 1996, para. 69)
La Cour impose uniquement au requérant d’avoir fait un usage normal des recours utiles.
Les recours utiles sont ceux « à la fois relatifs aux violations alléguées, accessibles et adéquats » (Van Oosterwijck c/ Belgique, 6 novembre 1980, para. 27).
Le recours utile est également un recours effectif (Radio France et autres c/ France, 23 septembre 2003, para. 34 ; Gnahoré c/ France, 19 septembre 2000, para. 48).
Les recours doivent exister « à un degré suffisant de certitude, en pratique comme en théorie » (Vernillo c/ France, 20 février 1991, para. 27).
Ainsi :
– Le requérant est dispensé d’exercer un recours interne aléatoire en cas de jurisprudence bien établie ou d’absence de jurisprudence favorable. Ainsi il a été jugé que l’absence de pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation ne faisait pas obstacle à un recours devant la CEDH dans ce cas (Gautrin et autres c/ France, 20 mai 1998, paras 49 s. ; Radio France et autres c/ France, 23 septembre 2003, para. 34, Maurice c/ France, 6 juillet 2004, p.18);
– Le requérant est dispensé d’exercer un recours interne inefficace ou inadéquat qui ne redresserait pas les griefs allégués. (ex. Recours non suspensif contre une mesure d’éloignement d’un étranger lorsque le requérant invoque la violation de l’article 3 – Sultani c/ France, 20 septembre 2007, para. 50 ; recours qui ne vise que la réparation et non pas la libération en matière de détention provisoire – Tomasi c/ France, 27 août 1992, para. 79);
– En revanche, le requérant n’est pas dispensé d’un recours en responsabilité pour fonctionnement défectueux du service de la Justice ou en responsabilité de l’Etat devant la juridiction administrative en matière de dépassement du délai raisonnable (Giummarra et autres c/ France, 12 juin 2001, p. 8 s. ; Mifsud c/ France, 11 septembre 2002, Grande Chambre, para. 15 s. ; Broca et Tixier-Micault c/ France, 21 octobre 2003, para. 18 s.);
– Enfin, la Cour apprécie de façon réaliste l’utilité des recours et pourra estimer en fonction du contexte juridique et politique que des circonstances particulières justifie de ne pas épuiser les voies de recours (Ex. la passivité des autorités face à des allégations sérieuses de violation de la Convention dispensera d’épuiser les voies de recours : Akdivar c/ Turquie, 16 septembre 1996, para. 69, la lenteur excessive d’une enquête : Selmouni c/ France, 28 juillet 1999, para. 74 s. ; Egmez c/ Chypre, 21 décembre 2001, para 64 s.).
On terminera en précisant que la règle de l’épuisement des voies de recours ne s’applique pas si le requérant invoque non pas un cas individuel de violation, mais l’incompatibilité d’une mesure législative ou d’une pratique administrative avec la Convention qui rend toute procédure vaine ou ineffective (Danemark c/ Turquie, 8 juin 1999 ; Thiermann et autres c/ Norvège, 13 juillet 2007, Akdivar c/ Turquie, 16 septembre 1996, para. 69).
Le juge qui écarte des débats des conclusions contestant l’applicabilité et qui ne permet de palier les carences d’une partie qui ne diligente pas une procédure, viole le droit de défense en ce qu’il n’autorise pas la partie intéressée à contester la régularité de la procédure..
(Favoritisme circonstanciel) Defaut de soins sur un enfant handicapé par l’Aide Sociale à l Enfance.
https://www.fichier-pdf.fr/2017/01/12/l-impunite-de-l-aide-sociale-a-l-enfance/