La fin des procès de Moscou ?


Une jurisprudence intéressante

Un arrêt de la troisième chambre de la Cour administrative d’appel de Nantes a retenu l’intérêt d’un de nos adhérents. Certes l’arrêt n’est pas récent, mais il conviendra de ne pas l’oublier. 

L’affaire concerne deux  enfants âgés de 11 et 12 ans sur fond d’une séparation parentale très pénible.

La mère avait suscité la procédure en faisant dire à ses enfants, en sa présence et devant le directeur de leur collège, qu’ils éprouvaient un malaise à se rendre chez leur père. Le directeur avait alors émis une information préoccupante, les services sociaux du Finistère avaient relayé par un rapport social lourdement à charge du père sur la base des seules déclarations de la mère.

Une pratique assez particulière qui relève des procès de Moscou puisque la condamnation au statut de parent indigne devient alors inévitable d’autant que l’accusé n’aura pas les moyens de se défendre, ni avant ni jusqu’au jour de l’audience.  

procesdemoscou

En effet trois semaines après sa rédaction et sans que le père n’ait été entendu ni informé, le rapport est transmis au procureur aux fins de signalement. Le juge des enfants ne sera cependant pas saisi puisque le procureur n’y donne pas suite.

Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose !

Pour autant la mère profite de l’existence du rapport social dans le cadre de la procédure de divorce en cours. Le juge aux affaires familiales est invité à consulter le rapport en question et suspend les droits de visite et d’hébergement du père. Ce dernier fait appel mais l’ordonnance du juge aux affaires familiales est confirmée, nous sommes alors le 21 février 2003.

Le père considère que la privation de ses droits est la conséquence directe du rapport social à charge, il demande réparation de son préjudice auprès du président du conseil général du Finistère, lequel semble ne pas réagir. Le père saisit alors le tribunal administratif de Rennes et sollicite la somme de 104 300 euros à titre de dédommagement pour son préjudice matériel et économique d’une part, moral d’autre part.

Précisons ici que la réparation d’un dédommage suppose que celui-ci soit la conséquence directe d’une faute, il faut donc mettre en évidence un lien de causalité direct entre la faute et le dommage.

La décision du tribunal administratif est rendue le 10 juin 2010, cette décision est intéressante car elle relève une faute de l’ASE à savoir n’avoir pas informé le père de la transmission du signalement au procureur. Pour autant le tribunal ne considère pas que cette absence d’information soit la cause directe du préjudice subi par le père et rejette donc sa demande.

Un sage jugement

Le père fait appel de cette décision.  

La décision de la cour d’appel administrative s’appuie sur le syllogisme suivant :

Principe : Elle rappelle l’article L.226-4 du code de l’action sociale et des familles qui précise les cas dans lesquels le président du conseil général doit réaliser un signalement à savoir pour suspicion de mauvais traitements alors que l’évaluation de la situation est impossible ou que la famille refuse d’accepter l’intervention de l’ASE, puis l’article suivant stipulant que le président du conseil général doit informer l’ASE, les autres informateurs (sur demande de l’ASE), ainsi que les parents du signalement.  

Faits : Or la cour précise qu’en l’espèce le rapport social a donné lieu à un signalement au procureur alors que ce rapport se contentait de reproduire les informations données par la mère sans mener une enquête afin de corroborer ces informations ou vérifier si le père était opposé à l’intervention de l’ASE.

Dispositif : Le tribunal conclut que « (…)  par suite, en transmettant son rapport au procureur de la République sans avoir au préalable procédé à une véritable évaluation de la situation ou vérifié si la famille, et notamment le père des enfants, était opposée à l’intervention du service de l’aide sociale à l’enfance, le département du Finistère a méconnu les dispositions précitées de l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles», il reconnaît également la faute de ne pas avoir communiqué le signalement au père ce qui n’a pu le mettre en mesure d’avoir accès au rapport social avant l’audience.  

Ces deux fautes étant les causes directes et certaines de la privation de ses enfants dont le père a souffert, les dommages et intérêts lui sont acquis mais à hauteur de 15 000 euros.  

Pas de signalement sans enquête sociale

Ce qu’il convient de retenir ici c’est que le département sera condamné s’il transmet un signalement sans avoir réalisé une enquête sociale auprès des parents, et plus particulièrement des deux parents lorsque l’un accuse l’autre.

Quel que soit le contenu du rapport social, et nous n’entrons pas là dans le débat des faux trop souvent commis, il doit donc nécessairement résulter d’une enquête sociale aussi bonne ou mauvaise soit-elle. Faute d’enquête le signalement est une faute passible de dommages et intérêts, mais que les sociaux indélicats ne s’inquiètent pas trop, c’est toujours le contribuable qui finalement paie pour leurs conneries.

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