La mise en adoption des enfants placés, un aveu d’échec

antigoneAntigone, adhérente au CEDIF et exerçant des responsabilités au sein de l’ASE a souhaité aborder pour nous les conséquences de la réformes Meunier-Dini (relative à la protection de l’enfance) sur la nouvelle pratique d’adoption des enfants placés. 

C’est notre conversation avec Antigone dont nous vous faisons ici part. Nous n’y cachons pas nos inquiétudes sur la dégradation de la situation de l’enfance qui en découle. 

Empathie zéro

Si l’ASE n’est pas réformable c’est  qu’elle a en ses gènes la rupture du lien familial et  qu’elle ne sait faire naître l’empathie chez ses agents à l’égard des parents et des enfants confiés.

Mais si l’ASE ne sait pas faire « ce qui est bon pour eux », c’est-à-dire ne sait pas s’occuper des enfants des autres y compris dans les cas où la famille d’un nourrisson est gravement défaillante, alors oui, précise Antigone, dans un tel cas de figure c’est une famille adoptive qu’il faut trouver à ce nourrisson. 

Seulement c’est aux sociaux de prouver que les parents ne sont pas capables d’élever leur enfant, car à sa maturité l’enfant voudra savoir et ce qu’il ne peut pas entendre c’est le fait d’avoir été abandonné sans autres explications que celles généralement données : – ta mère était mauvaise, ton père aussi… D’où l’écrasante responsabilité de ceux qui produiront un certificat de délaissement et qui auront à répondre de toute approximation.

Un constat d’échec de l’ASE

L’adoption c’est donc le constat d’échec des sociaux, incapables de s’occuper correctement des enfants placés et inaptes à maintenir le lien familial .  Eh oui, au lieu de sauver la profession, la loi Meunier-Dini consacre l’échec des sociaux sans prendre les mesures qui s’imposent. La loi n’est pas appliquée puisque les sociaux ne mettent pas tout en œuvre pour restaurer le lien parental. Pour cela il ne faudrait pas que les mesures mises en place dépassent six mois, que les sociaux acceptent de se remettre en cause quant à leurs pratiques et leurs exigences incompatibles avec bon nombre de situations familiales. s

Lors de cet échange, Antigone relève d’ailleurs que beaucoup de familles dont les enfants sont placés ont, elles-mêmes, un parcours ASE. Mais alors qu’a donc fait l’ASE de ces enfants sous sa responsabilité pour les juger incapables de parentalité ? Seraient-ce les enfants de ces enfants placés qu’une intervenante sociale évoque en disant « on sait très vite qu’ils ne retourneront jamais chez leurs parents », ou parlerait-elle d’enfants de criminels. Antigone a vérifié que les sociaux jugeaient hâtivement et constate que ceux qui prétendent développer des incitations à la parentalité ne précisent pas les dispositifs mis en place en pratique mais se contentent de se lamenter sur le manque de moyens sans exercer leur fonction dignement.

L’ASE est maltraitante

L’échec de l’ASE intervient donc bien en amont de cette reconnaissance poussant à l’adoption. L’échec c’est de conduire à de telles situations par des actes de maltraitances conduisant à la disqualification des familles et l’humiliation des enfants : « maltraitance dans la façon de s’adresser aux familles, de leur donner des leçons, de les menacer, de cacher l’existence d’abus sexuels, de détourner de fonds, de perpétrer des violences psychologiques en foyers comme en famille d’accueil ! » précise Antigone.

Elle ajoute que les enfants placés ne sont pas aimés : « interdit d’aimer, ce n’est pas professionnel ! Un enfant ne peut pas s’épanouir sans être aimé ! Attention, l’aimer professionnellement, car il faut aimer notre métier qui est avant tout celui de réunir les familles (…) combien de témoignages de famille et d’enfants prouvent que le travail d’accompagnement ne s’est pas fait correctement ? Pourquoi sont-ils si peu médiatisés, pourquoi en travail social se tient-on par la barbichette ? Etrange, non ? Je suis encore et pour toujours, je crois, très sensible à ce qu’un humain peut faire subir à l’un de ses pairs, les actualités nous le montrent. J’ai dans ma carrière observé des collègues (qui ne me portent pas dans leur cœur), je ne pouvais m’empêcher de les transporter dans notre si triste histoire des camps de concentration et je me disais, que feraient-ils là-bas si ils avaient leur statut actuel ? Mieux vaut ne pas répondre… »

Désormais des adoptions abusives …

Puisqu’il est question désormais de faire adopter le plus tôt possible pour limiter les traumatismes de l’enfant au sein de l’ASE, dont d’étudier tous les 6 mois une possibilité d’adoption des enfants de moins de deux ans, on peut penser que les sociaux seront fortement amenés à interpréter des situations à leur sauce. Antigone s’étonne du terme de « projet de vie » pour des enfants inaptes à y jouer un rôle actif, effectivement quelqu’un décidera pour cet enfant dans des situations que les sociaux qualifient eux-mêmes d’impasse. Mais qu’est ce qu’une impasse au juste : une situation d’affrontements entre les parents avec la trop habituelle rupture des relations organisées par les sociaux à titre de rétorsion ? La suspension des droits de visite qui permettrait ensuite de justifier une adoption ?

Maintenant oui, il existe bien de véritables cas de délaissement, mais il existe aussi une famille élargie bien souvent. Pour Antigone, ce délaissement réel suppose que des actions pluridisciplinaires aient été menées et n’aient pas obtenu de résultat, mais si rien n’a été fait, que l’enfant a été maintenu dans l’isolement parental, que le lien a été rompu par les sociaux alors l’enfant est cette fois délaissé par une institution qui est financée pour l’aider à retrouver sa famille.

Enfin jouer la corde sensible de façon orientée en présentant d’un côté l’enfant qui souffre d’avoir été maltraité dans sa famille et l’adoptant qui a de l’amour à donner, c’est ignorer une grande partie des réalités. L’enfant placé l’est le plus souvent pour une question qui ne relève pas de la maltraitance, en outre, comme le souligne Antigone « la maltraitance en institution et autres services de l’ASE existe aussi, elle inspire peu de compassion de la part des ordonnateurs en travail social qui constatent que ça ne fonctionne pas. »

Donc ADOPTER mais pourquoi, sinon pour faire échapper l’enfant à la maltraitance institutionnelle finalement reconnue implicitement ? La solution n’aurait-elle pas été de ne pas commencer à placer ?

Mais ADOPTER c’est dans la logique politique une façon de répondre favorablement au lobby des adoptants et d’alléger le fardeau des 6 milliards d’euros versés aux ASE sur la poche des contribuables sans pour autant protéger les enfants. Un bon calcul à priori, oui mais une bombe à retardement quand les adoptants seront taxés d’être des « voleurs d’enfants » alors que des parents biologiques retrouverons leurs enfants devenus majeurs, lesquels diront leur avoir été raflés sans justification aucune.

Loi sur l’adoption : lettre à la députée Michèle Tabarot

Monsieur Xavier COLLET
Président

Madame Michèle TABAROT
Maire du Cannet
Député des Alpes-Maritimes

Vos ref: DAN20 1 1 00 1 37/RB/AD
Objet : proposition de loi relative à l’adoption

Madame La Députée,

Nous avions eu l’occasion d’échanger par courrier au sujet de votre proposition de loi relative à l’adoption et ce depuis plus d’une année.

Au nom du Comité Élargi de Défense de l’Individu et des Familles, je m’étais inquiété des implications d’une telle proposition (https://comitecedif.wordpress.com/2011/04/06/punis-pour-rien/). Vous me répondrez en ces termes le 16 février 2011 :
« (…) Ma réflexion autour de la situation des enfants délaissés et de leur adoptabilité ne visent bien évidemment pas à séparer des familles lorsque le retour de l’enfant dans son foyer est envisageable.
Je sais que dans de nombreuses situations, les parents aiment leurs enfants et aspirent à les retrouver le plus rapidement possible une fois que les difficultés ayant amenées à la séparation ont été résolues. (…) »

Une réponse qui nous avait très partiellement satisfaits puisque je vous avais écrit à nouveau pour mettre en évidence que, dans de nombreuses situations, les enfants enlevés selon un principe de précaution peuvent être tout simplement placés de façon abusive. Nous savons aussi que la menace de mise en place d’une procédure de délaissement est une façon d’obtenir la coopération des pères et mères et leur silence sur des mesures mettant en danger l’avenir de leur progéniture.

Monsieur Éric Dolla, responsable de notre antenne 06, ainsi que Monsieur Daniel Müller, président de SOS Parents Abusés vous porteront ce même message (https://comitecedif.wordpress.com/2012/01/26/rencontre-avec-michele-tabarot/). Vos collaborateurs leur rétorqueront que les placements sont décidés par des magistrats sur la base d’informations objectives. Il s’agit d’une conception peu informée, les magistrats décident sur la base de dossiers réalisés par des travailleurs sociaux, lesquels préconisent des solutions bien souvent suivies sans que les parents ne soient réellement entendus pour ne pas avoir accès de façon exhaustive à leur dossier. Je vous renvoie sur ce point au rapport que nous avons rédigé sur la protection de l’enfance et qui vous a été remis par Monsieur Dolla.

La réalité est que les placements d’enfants sont de plus en plus pratiqués, le JDE Jean-Pierre Rosenczveig n’hésite d’ailleurs pas à banaliser une telle pratique car selon ses dires : « Il n’y a pas de raison que les gens qui sont personnellement dans la merde, n’aient pas des enfants qui sont dans la merde … » (https://comitecedif.wordpress.com/2012/01/08/jean-pierre-rosenczveig-sur-ladoption-denfants-places/).

Une telle logique n’est pas acceptable de par la latitude qu’elle donne aux services de l’ASE pour étendre ses prérogatives alors que son pouvoir sur les famille apparaît bien de nature discrétionnaire. De surcroît, il déborde désormais le principe de légalité de par les faux et pressions que nos équipes ont dû déplorer dans de nombreux cas qui nous ont été soumis.

J’ai insisté auprès de vous sur ce point dans un courrier du 11 mars 2011 auquel vous n’avez pas répondu. Je vous précisais qu’il existe des parents, qui, pour une raison ou pour une autre, sont entrés dans le collimateur des travailleurs sociaux sans le moindre manquement à leurs devoirs parentaux.

Malheureusement votre proposition de loi donne de nouvelles armes à l’ASE face aux familles. Plus largement, les services de la protection de l’enfance pourront aussi écarter la famille élargie en arguant d’une incapacité de prise en charge sur des motifs purement fallacieux.

Je livre donc à votre examen et à titre d’exemple le cas des jeunes Ruben et Léa, arrachés à leur famille pour procédure d’adoption. Je vous prie d’intervenir dans cette affaire afin de permettre à la tante et à l’oncle de ces enfants d’en obtenir la garde et donc à la maman de pouvoir conserver le lien.

Ce cas douloureux est tout à fait emblématique des risques accrus qu’une telle loi, en donnant des pouvoirs plus importants à l’ASE, pourrait faire peser sur la séparation définitive de familles.

Le CEDIF entend en conséquence communiquer largement notre prise de position au nom des enfants et des familles et je vous demande de réfléchir aux moyens d’éviter les conséquences dont notre association fait état.

Votre proposition serait la bienvenue si les services de l’ASE pouvaient être enfin nettoyés, c’est là un préalable indispensable pour lequel vous pourriez compter sur nous.

Je vous transmets le courrier de Madame Habiba Benditti, tante des jeunes Ruben et Léa et attends votre réponse dans l’urgence de la situation.

Recevez, Madame la Députée, l’expression de mes meilleurs sentiments,

Avec cette loi ce qui se passe au Royaume-Uni, peut tout aussi bien survenir désormais en France :

MISE À JOUR AU 26 janvier 2012 : la complémentarité de la loi Tabarot avec le « Mariage pour Tous » (terme de novlangue) se précise. Au sujet de ce mariage nouvelle formule vous pourrez lire l’intéressant article de Pascal Dazin.