Les enfants porte-monnaies

Les familles d’accueil n’ont pas véritablement de limites fixées quand au nombre d’enfants qui leurs sont confiés, n’y a-t-il pas là un risque supplémentaire pour le développement des enfants placés ? Une favoritisme créant de véritables Thénardiers ?

Il en manque un ?
Il en manque un ?
Question : peut-on placer sans limites en familles d’accueil ?

Bonjour Madame S, vous avez été famille d’accueil et nous avez fait part de votre témoignage exprimant vos difficultés avec les se®vices sociaux.

Nous souhaitons que vous nous en disiez plus sur ce que nous appelons les « enfants porte-monnaies ». En effet le Sénat réfléchit actuellement avec notre argent pour « garantir un accueil de qualité aux familles et aux enfants placés ».

Dans le cadre de cette réflexion, le Sénat précise sa volonté de limiter le nombre d’enfants accueillis par famille à 3 enfants, chiffre qui doit intégrer les enfants de moins de 3 ans de l’assistant maternel.

Cela signifie qu’une famille d’accueil qui a deux enfants de moins de 3 ans, ne pourrait accueillir plus d’un enfant placé. Ce qui veut aussi dire qu’actuellement une famille d’accueil peut s’occuper de 3 enfants outre les siens. Ce qui peut paraître aberrant.

Il est donc autorisé qu’une famille d’accueil ayant déjà 4 enfants puisse avoir à charge 3 autres enfants qui ne sont pas les siens.

Soit 7 enfants au total.

Le Sénat veut bien concevoir que c’est un peu beaucoup pour un accueil de qualité et entend conseiller de fixer la limite non à 7 enfants mais à 6, mais avec possibilité pour le président du conseil général d’accorder un nombre plus élevé !  Donc rien ne garantit le développement sans limite de la pratique d’enfants porte-monnaie puisque le service feront bien ce qu’ils veulent.

De quoi récompenser les familles d’accueil bien obéissantes en accordant des dérogations, une façon de favoriser les uns et de punir les autres.

 Réponse : absence de cadres et débordements

Effectivement il serait judicieux de mettre en place « un cadre » concernant le nombre d’enfant placé en famille d’accueil, car je peux vous confirmer qu’il y a des débordements.

Pour ma part, ayant deux jeunes enfants, j’avais demandé un agrément pour un seul accueil.

L’ASE m’a souvent sollicité afin que je réclame une extension d’agrément pour accueillir d’autres enfants, mais j’ai toujours refusé.

M’occuper de ma fille d’un an, de mon fils de 4 ans d’un autre enfant placé de moins de 2 ans, c’était déjà beaucoup et je préférais faire dans l’accueil de qualité que dans la quantité.

J’étais la seule dans notre équipe à avoir un agrément pour un seul enfant, les autres assistants familiaux en avaient au moins pour 2 enfants et jusqu’à 4, sans compter les relais et dépannage qui pouvaient durer quelques mois.

Cela aussi, le fait « d’être différente » de mes collègue, et de ne pas accéder à leurs demandes, faisait de moi le vilain petit canard de l’équipe.

D’ailleurs une collègue de mon secteur, Mme Y ; accueillait 4 enfants filles et garçons dont des petits et des pré ados, de plus elle s’occupant d’un autre enfant qu’elle avait adopté.

Vingt ans de métier, la « parfaite » famille d’accueil pour l’ASE, car en plus des 4 qu’elle gardait, elle acceptait des relais sur des temps de week-end ou des vacances.

Cela créait parfois des tension entre assistantes familiales car les autres qui souhaitaient arrondir leur fin de mois, ne pouvaient pas faire de dépannage en accueil temporaire , car c’était Mme Y qui passait en priorité.

Étant adhérente à l’AFAR lorsque que j’étais encore salarié, beaucoup de mes collègues me contactaient par téléphone pour me faire part de leur mécontentement.

Mme Y faisait dormir 4 enfants, par chambre, mettait des lits superposés. Filles et garçons dans la même chambre.

Pas de respect de l’intimité, j’appelle çà de l’accueil collectif, et non un accueil personnalisé et adapté au profil des enfants. Mais l’ASE ferme les yeux, aucun contrôle au domicile, on laisse faire..

Cette même famille d’accueil a eu des gros souci avec une adolescente de 16 ans en fugue, mais alors que l’enfant n’était plus là, Mme Y continuait a percevoir des indemnités.

Je n’ai jamais su la fin de l’histoire mais l’ASE s’en foutait carrément. Aucun suivi, le sujet avait été évoqué lors d’une réunion, et j’étais restée choqué de voir que ma responsable ne s’inquiétait pas plus de la situation de cette jeune fille.

Rendez-nous Mary Poppins

Vous pensiez que la nounou de vos enfants était à votre service ?

Grossière erreur, l’article 1 de la loi du 27 juin 2005 relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux ne s’embarrasse pas de nuances : la nounou agréée est d’abord au service de la politique du gouvernement et du département en matière de petite enfance.

L’enfer étant pavé de bonnes intentions, il faut rappeler que cette politique de la petite enfance a pour but, comme ils disent de « favoriser le développement physique et psychique de l’enfant, de permettre son épanouissement et de garantir son bien-être. »

Pour être plus clair, les nounous sont devenues des fonctionnaires salariées par les parents, lesquels ne sont plus des clients mais des usagers d’un sé®vice public.

Salariées par les parents mais dirigées par le Conseil Général

Bien évidemment un tel statut est complètement dérogatoire par rapport au statut de salarié.   Le statut de salarié se définit effectivement par le lien de subordination entre le salarié et son employeur, il implique également un devoir de loyauté et de confidentialité. Le salarié ne saurait donc en même temps être lié à une administration sans remettre en cause ses obligations vis-à-vis du parent employeur.

Et pourtant cette situation aberrante est celle des assistantes maternelles dont le véritable patron est la commission départementale de l’accueil des jeunes enfants qui a pour charge de leur délivrer l’agrément au nom du président du conseil général, après avis du maire. Elles sont ensuite suivies par le service départemental de protection maternelle et infantile (PMI) chargé d’évaluer les situations d’accueil et de l’accompagnement professionnel.

Les parents n’ont aucun pouvoir de contrôle 

On se demande donc quel rôle est laissé aux parents en matière d’évaluation de cette même situation d’accueil.

Pour illustrer l’impuissance familiale citons donc cette anecdote de parents lyonnais qui avaient constaté le mal être de leur bébé de 7 mois lorsqu’ils le ramenaient de l’assistante maternelle agréée. Ils avaient alors caché un micro dans le doudou pour vérifier les conditions d’accueil et ont appris que leur bébé était mis à l’écart des pièces d’habitation pour être confiné au sous-sol où l’assistante maternelle le laissait sans surveillance et ne venait le voir que pour le nourrir. Les parents déposent donc une plainte qui sera classée sans suite, par contre la nounou peut, elle, avec l’assentiment du procureur, trainer les parents en correctionnelle pour atteinte à sa vie privée !!!

Les risques de conflit d’intérêt

On comprendra donc qu’en matière de contrôle les parents n’ont aucun pouvoir tout employeur qu’ils soient. Les assistantes maternelles ne craignent que les autorités départementales capables de retirer l’agrément pour absence de Kollaboration.

Ainsi, en tant que véritable patron, le président du Conseil Général charge les assistantes maternelles qui souhaitent devenir assistante familiales, de missions au service de l’ASE. Chaque assistante maternelle qui le souhaite peut donc devenir accueillante permanente au lieu d’être accueillante temporaire. D’ailleurs le code de l’action sociale et des familles en son article L.123-3, deuxième alinéa précise « l’ensemble des personnes résidant au domicile de l’assistante maternelle agréée pour l’accueil des mineurs à titre permanent constitue une famille d’accueil », l’alinéa cinq mentionne les prérogatives de l’assistante maternelle en ce qu’elle participe à l’évaluation de la situation du mineur placé par l’ASE.

Ce sont donc non seulement des enfants de « parents employeurs » qui leur sont confiés, mais aussi des enfants retirés à leur famille même si le cumul de ces deux fonctions est souvent prohibé. Cela n’empêche pas la possibilité que les enfants de parents employeurs puissent ultérieurement devenir des enfants placés chez leur nounou. En effet, leur participation à la politique étatique en matière  de petite enfance fait qu’elles sont les premières sollicitées par l’ASE aux fins d’enquête sociale. Le rôle des assistantes maternelles ou familiales dans les signalements est d’ailleurs détaillé (http://www.ufnafaam.fr/assistant-familial.html) :

« Si l’assistant maternel ou familial est amené à constater de mauvais traitements physiques ou moraux qui pourraient mettre en danger un enfant confié, il doit aviser immédiatement le service compétent et apporter à l’enfant un soutien positif qui lui permette de ne pas se sentir coupable ou isolé :

  • En évaluant sa propre émotivité face à ce constat ;
  • En ne signalant que les faits observés, sans y ajouter de dénonciations des personnes ;
  • En conservant des traces écrites et en veillant au « suivi » de leurs actions.

Pour le témoignage en justice : l’assistant maternel ou familial doit se rendre à la convocation du juge, lui apporter ses observations susceptibles d’éclairer l’instruction en se gardant de toute délation qui pourrait se retourner contre lui. »

Les nounous pourront prétendre, si elles collaborent, à cette promotion au poste d’assistant familial et à ne pas se faire poursuivre pour non-dénonciation . Dans de telles circonstances on pourra comprendre que des assistantes maternelles refusent de témoigner en faveur des parents ET PIRE alimentent des dénonciations pour se venger de relations conflictuelles avec leur employeur

Des nounous maltraitantes peuvent aussi se défausser de leur responsabilité en attribuant aux parents des sévices qu’elles ont-elles-mêmes perpétrés.   

Les nounous traditionnelles sont devenues délinquantes

Quant aux nounous que nous employions autrefois en fonction de nos besoins et qui n’avaient pas nécessité d’être agréées ou salariées pour travailler, elles sont devenues des proscrites, des délinquantes aux yeux de la loi. Leur crime est de ne pouvoir être contrôlées par les services du conseil général et n’avoir que des comptes à rendre aux parents. Dénoncées par les agréées, elles risquent désormais des poursuites pour « travail dissimulé ».

L’étatisation de la profession au profit du flicage familial s’est fait aussi aux prix d’une pénurie organisée des nounous et de tracasseries administratives dont les parents sont  les victimes.

Face à l’impossibilité de trouver une nounou ou d’en garder une assez compréhensive pour s’adapter, des familles marseillaises ont eu recours aux services de Monique, une ancienne infirmière. Monique avec une autre nounou avait monté une « crèche clandestine », rien que le nom fait peur et pourtant il y en avait tant de ces crèches autrefois. Pour 17 euros par jour et par enfant, les nounous gardaient des bambins de 6 mois à 3 ans.  Les nounous ancienne façon, mais avec fiches de salaires, ont été dénoncées et poursuivies pour « mise en danger d’autrui », « création sans autorisation d’un établissement de service d’accueil d’enfants de moins de 6 ans », mais surtout « non-respect des obligations de contrôle et de conformité d’établissements recevant du public »…     

En peu d’années nous assistons donc à une déshumanisation complète de la profession avec disparition du lien de confiance entre les parents et les nounous.

Où sont ces nounous à qui nous pouvions confier nos enfants sans appréhension, celles qui étaient payées au service et disponibles à la demande, celles qui faisaient ce travail quelquefois en complément et avaient à cœur de bien le faire ?

Là encore l’État a brisé le lien, a asséché les cœurs et fait le malheur des familles.