Justice et services sociaux : amis ou ennemis ?

Le système Français de  » protection de l’enfance  » est en principe fondé sur la distinction en matière d’intervention :  judiciaire avec la justice des mineurs dans son ensemble d’une part ; administratif avec l’aide sociale à l’enfance d’autre part.
La distinction juridique entre les deux domaines ne tient pas aux mesures mais au motif d’intervention et à ses modalités et là c’est un enjeu de lutte puisque le juge doit obtenir l’adhésion des parents alors que les services sociaux n’en font qu’à leur tête.
Différentes façons de considérer les parents’a  certes, mais n’oublions pas que le juge consent bien souvent à n’écouter que les services sociaux, pourquoi ? Parce que son champ d’action est réduit et l’évaluation d’un enfant dit en « danger » n’appartient qu’aux enquêtes réalisées par les services sociaux.
D’autre part les travailleurs sociaux sont dans une situation paradoxale du point de vue de leur mission de protection de l’enfance, ce qui les confronte à un double dilemme : signaler ou préserver le secret ; intervenir ou respecter le droit des usagers. L’ambiguïté des lois fait qu’elles sont bien souvent laissées à l’interprétation de chacun et là les services sociaux usent et abusent de leur pouvoir.
Le signalement devient une obligation, contre les doutes, ils se blindent de certitudes, et là trois définitions du travail social apparaissent :
  •  activité quasi administrative d’application d’un réglement ;
  • activité dominée par l’instance judiciaire (et ses interprétations en cas d’intervention) ;
  • activité autonome et possédant ses propres règles et encore une fois cette dernière est l’ouverture totale à toutes sortes de dérives et de procédés abusifs.

En outre deux logiques s’opposent et sont facteurs de tensions du fait de l’encadrement juridique et judiciaire croissant des travailleurs sociaux :

  • d’un côté des magistrats affirment la nécessité d’éradiquer ces corporatismes protecteurs permettant de déresponsabiliser les familles et de briser cette impunité des professions sociales ;
  • de l’autre des travailleurs sociaux (organisations syndicales mises en avant !) soulignant l’incompatibilité entre la logique judiciaire et celle du travail social, ces travailleurs sociaux refusant de devenir l’auxiliaire de la justice.

Au coeur de ce conflit se trouve la question de l’autonomie du travail social et de sa subordination au droit.

Eric Dolla, le 23 janvier 2012