Des magistrats partiaux ?

Les conditions d’une justice digne de ce nom

La justice n’existe pas si elle est rendue par des magistrats partiaux.

Partiaux, c’est-à-dire qui soutiennent une partie contre l’autre avant même d’être saisis de l’affaire.

En effet si les hommes ont abdiqué leur pouvoir de se faire justice eux-mêmes et ont remis cette prérogative entre les mains d’arbitres ou de magistrats, c’est dans le souci d’apaiser la guerre de chacun contre tous et d’accepter la sagesse des verdicts de leurs juges…

D’ailleurs la Cour européenne des droits de l’homme insiste bien sur le droit des justiciables à être jugés par un tribunal impartial.

Impartialité subjective et objective

La jurisprudence de la CEDH définit bien les critères permettant de conclure ou non à l’impartialité des juges.

Elle distingue pour cela la partialité subjective qui permet de lire dans le comportement du magistrat une attitude de favoritisme, des a priori vis-à-vis d’une des parties, des liens établis, des intérêts, qui pourraient orienter sa décision. À ce sujet, en Suisse, il a pu être demandé à des magistrats de révéler leur appartenance ou non à la franc-maçonnerie, en France l’affaire du « mur des cons » interroge aussi sur l’impartialité de juges du syndicat de la magistrature qui désignent des justiciables sous le terme de cons (voir vidéo en bas de cet article)..

Quant à la partialité objective, elle se détermine par la possibilité qu’un magistrat aurait de juger une affaire dans laquelle il a déjà pu se prononcer.

La CEDH pousse d’ailleurs assez loin cet impératif d’impartialité en précisant que même s’ils sont impartiaux les tribunaux doivent aussi porter un soin particulier à ce que cette impartialité soit évidente et ne puisse donc être mise en doute puisqu’il « y va de la confiance que les tribunaux se doivent d’inspirer dans une société démocratique. »

Une déontologie des magistrats

Le réseau européen des conseils de justice donne une bonne place au devoir d’impartialité dans sa déontologie.

Il y précise ainsi que :

 » Pour garantir l’impartialité, le juge :

  • Remplit ses attributions judiciaires sans craintes, sans favoritisme ni préjugés.
  • Adopte, dans l’exercice de ses fonctions et même en dehors de ses fonctions, une conduite qui soutient la confiance dans l’impartialité des juges et minimise les situations qui pourraient conduire à la récusation   
  • S’abstient de siéger dans des affaires lorsqu’il ne peut pas juger l’affaire de façon impartiale pour un observateur objectif ; il a des relations avec une partie ou s’il a une connaissance à titre personnel des faits ; il a représenté, assisté ou a agi contre l’une des parties ; s’il existe une situation telle que la subjectivité affecterait ; si lui-même ou un membre de sa famille a des intérêts dans l’issue du procès. » 
Une affaire qui rappelle les principes

La justice européenne est censée ne pas badiner avec les risques de partialité de ses magistrats.

C’est ainsi que la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt du 13 janvier 2015 relativement à l’affaire de l’explosion de l’usine AZF de Toulouse s’est prononcée sur un doute objectif concernant l’impartialité de la juge Régnier qui a siégé en appel en sa qualité d’assesseur.

Aucun écrit du magistrat n’accréditait cette partialité, mais il a été relevé que la juge était vice-présidente de l’INAVEM, une association d’aide aux victimes, qui avait signé une convention avec la FENVAC, une autre association qui figurait au titre des parties civiles au procès.

On pouvait donc penser dans une telle situation qu’il existait un risque que le juge favorise les intérêts des parties civiles.

Consciente de ce risque, la magistrate avait choisi de se déporter donc de ne pas juger l’affaire de l’explosion d’AZF. C’est tout à son honneur et effectivement c’est ainsi que doit réagir un juge afin de ne pas laisser le moindre doute sur l’impartialité de la justice. Cette volonté de se déporter doit donc être considérée comme un souci de ne pas servir d’autre intérêt que celui de la justice.

Malheureusement le premier président de la cour d’appel de Toulouse n’a pas accepté que la juge se déporte. La Cour de cassation a donc bien jugé et considéré que le devoir d’impartialité du juge va jusqu’à éloigner le moindre soupçon de partialité soit-il non fondé.

Seulement voila, il n’en va pas toujours aussi, notamment en matière de justice familiale. Nous y reviendrons.