Utiliser la CIDPH en défense des nos enfants handicapés

Qu’est ce que la CIDPH ?

La Convention internationale des droits des personnes handicapés (CIDPH) a pour objet de préciser les droits des personnes handicapés et d’indiquer des recommandations aux États qui l’ont ratifiée, dont la France depuis le 20 mars 2010.

Un protocole facultatif annexé à cette convention permet à toute personne ou groupe de personnes handicapées de saisir le Comité du droit des personnes handicapées (CRPD) contre l’État qui n’aura pas respecté les droits fixés par la convention, à condition que toutes les voies de recours internes aient été épuisées. Les recommandations du CRPD serviront de jurisprudence mais n’auront pas de caractère contraignant.

Pour la France, le Défenseur des droits, chargé de la mise en application de la CIDPH en fait le commentaire. À ce titre, le Défenseur des droits peut être saisi par des particuliers aux fins de médiation, de recommandation, il peut apporter des observations dans le cadre de procédures devant les différentes juridictions. Le Défenseurs des droits doit aussi sensibiliser les institutions ainsi que les magistrats et auxiliaires de justice aux dispositions de la CIDPH.

Un comité de suivi de la CIDPH est constitué du Défenseur des droits, de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH), du Conseil français des personnes handicapées pour les questions européennes et internationales (CFHE) et du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Des ONG peuvent également établir des rapports de suivi afin d’alerter le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU.

Imposer la CIDPH dans les décisions de justice

EPSON MFP imageCe qui nous intéresse ici n’est pas tant de saisir le CRPD et encore moins le Défenseur des droits dont l’inefficacité est totale à l’endroit de l’ASE. Non, il s’agit plutôt d’utiliser les articles de cette convention dans les procédures qui peuvent opposer des parents d’enfants handicapés aux institutions étatiques dont l’ASE.

En effet, du fait de la valeur supérieure de la norme juridique internationale ratifiée, les familles peuvent saisir n’importe quelle juridiction française en application des droits de leurs enfants en tant que porteurs d’un handicap.

Les dispositions de la CIDPH ont pour partie un effet direct qui s’impose au juge français même si ce droit est non conforme à une règle de droit française. Attention pour que ce droit puisse être mis en avant, il faut qu’il soit clairement mentionné, et non soumis à des conditions d’application impossibles dans les conditions locales.

La notion d’aménagements raisonnables

Par exemple la volonté de la famille d’un enfant handicapé de l’admettre dans une école de musique peut se heurter à l’absence d’équipements dont dispose l’école face à ce handicap (en référence à une affaire jugée par la Cour européenne des droits de l’homme). Ce droit n’a donc pas d’effet direct dans la mesure où la présence de ces équipements n’est pas obligatoire.

Pour autant il conviendra pour un juge de raisonner en fonction de la notion d’aménagements raisonnables permettant de lever cette discrimination. On parlera d’aménagements raisonnables si ceux-ci n’entraînent pas de charges disproportionnées, et si des aménagement raisonnables sont possibles  alors la famille aura gain de cause.

En rajouter une couche

A contrario la CIDPH peut renforcer une disposition légale nationale existante.

Ainsi la loi sur la refondation de l’école de 2013 prévoit l’éducation inclusive donc le droit à l’école pour tous y compris pour les enfants handicapés. Cette loi est censée donner les moyens de cette inclusion. Pourtant beaucoup d’enfants autistes ne sont pas pris en charge mais orientés vers des IME.

Ici la CIDPH en son article 3 précise son objet de protection de l’égalité des chances et de respect du développement des capacités de l’enfant handicapé, en son article 24 elle évacue les voies de garages que les parents connaissent trop bien en précisant que « le système éducatif pourvoie à l’insertion scolaire à tous les niveaux et offre, tout au long de la vie, des possibilités d’éducation qui visent notamment au plein épanouissent du potentiel humain … ». Ainsi la CIDPH renforce une disposition de droit français qui est souvent contournée, on devrait donc s’appuyer sur ces deux articles afin d’appuyer une demande fondée sur une règle de droit internationale ratifiée : la CIDPH. Demande qui permettra de s’opposer à des orientations dont l’effet serait une perte de chances face aux potentialités de l’enfant.

L’enfant handicapé doit pouvoir se faire entendre

Dans le même ordre d’idée l’article 7 de la CIDPH dispose de ce que les États doivent garantir le droit pour l’enfant handicapé, sur la base de l’égalité avec les autres enfants, d’exposer son opinion sur toute question le concernant en considération de son âge et de sa maturité.

Ceci suppose donc que son choix de scolarisation puisse être entendu par le juge comme ce serait le cas pour tout enfant doté de la maturité suffisante. Là encore ce droit renforce d’autres dispositions applicables en droit français et dont l’absence d’observation avait déjà donné lieu à un arrêt de la cour de cassation du 18 mai 2005. Lequel arrêt avait cassé une décision de la cour d’appel de Rennes qui avait statué sur la résidence d’une enfant de 12 ans sans donner suite à la demande de cette enfant à être entendue et sans motiver le rejet de facto de cette demande.

Ce droit de l’enfant handicapé à être entendu est encore renforcé par l’article 13 de la CIDPH qui vise à assurer l’accès à la justice de la personne handicapée « sur la base de l’égalité avec les autres, y compris par le biais d’aménagements procéduraux et d’aménagements en fonction de l’âge, afin de faciliter leur participation effective, directe ou indirecte, notamment en tant que témoins, à toutes les procédures judiciaires, y compris au stade de l’enquête et aux autres stades préliminaires. »

Précisons en passant que la mode consistant à imputer à un des parents une aliénation parentale transformée en conflit de loyauté ne saurait être considérée comme un élément suffisant pour écarter la parole de l’enfant, sauf à entériner une pathologie non officielle et donc donner à des magistrats une capacité d’expertise pédopsychiatrique afin de motiver l’absence de discernement de l’enfant.

On ne devrait jamais séparer une famille pour cause de handicap

Quant au placement d’enfants souffrant d’un handicap, il convient de rappeler encore que le quatrième alinéa de l’article 23 de la CIDPH est d’application directe, il précise que : « Les États Parties veillent à ce qu’aucun enfant ne soit séparé de ses parents contre son gré, à moins que les autorités compétentes, sous réserve d’un contrôle juridictionnel, ne décident, conformément au droit et aux procédures applicables, qu’une telle séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant. En aucun cas un enfant ne doit être séparé de ses parents en raison de son handicap ou du handicap de l’un ou des deux parents. »

Il convient alors de dépister systématiquement des cas de troubles autistiques ou de TDAH afin de faire reconnaître le handicap et donc mettre en échec des mesures de placement qui ne feront que dégrader l’état de l’enfant.