Circulez, il n’y a rien à voir !

Nous avons consacré déjà deux articles à la terrible affaire Marina, cette enfant de 8 ans massacrée par ses géniteurs alors qu’ils étaient suivis par la mal nommée « Aide Sociale à l’Enfance ».
La souffrance de Marina était visible sauf à ceux qui ne voulaient la voir, cette petite fille avait fait l’objet de signalements deux ans avant sa mort, et même trois ans avant puisque la grand-mère avait dès 2006 demandé de l’aide pour sauver sa petite-fille, sans être prise au sérieux par les services de l’aide à l’enfance.
Deux ans d’impuissance
C’était en 2007 que l’institutrice de la petite Marina n’avait pas manqué de constater des hématomes sur ses omoplates, ses bras, son ventre. Elle en avait fait part au médecin scolaire qui constate le visage tuméfié de la petite et qui prend pour argent comptant les explications du « charmant » géniteur : conjonctivite et maladie immunitaire.
La famille prend soi de déménager en juin 2008, toujours dans la Sarthe. Le directeur de la nouvelle école fait un rapport au procureur et au conseil général sur les marques d’hématomes, de jambes et doigts déformés, de visage tuméfié. Une enquête est menée enfin, un médecin n’exclue pas des faits de violence et de mauvais traitements, l’enfant est auditionnée et couvre ses géniteurs. Un autre médecin intervient et réalise un signalement à l’ASE. Il faudra attendre le 10 octobre pour que le parquet du Mans se prononce et c’est le classement sans suite !
L’alerte était tout de même chaude et donc en décembre 2008, les Sabatier déménagent à nouveau. Le calvaire de Marina se poursuit avec des traces toujours évidentes de ce qu’elle subit, cette fois le signalement du directeur de l’école de Coulans sur Gée mentionne des blessures purulentes, des coupures dans le cuir chevelu, Marina a le cheveu rare, une tête de boxeur. Elle ne se plaint pas. Et pourtant …
En février 2009, Marina a la peau des pieds arrachée par suite de brûlures, elle est hospitalisée pendant 4 semaines. L’établissement écrit au président du conseil général de la Sarthe, l’ASE répond le 6 mai 2009 : « Nous allons faire le point sur la situation de Marina et sur l’aide susceptible d’être apportée à la famille ». Une équipe de l’ASE échange sur le cas Marina, une assistante sociale et une puéricultrice chargées du suivi concluent une visite du 17 juin 2009 par cette formule : « pas de danger immédiat repéré« , « enfants détendus et souriants« .
Les Sabatier sont visités une nouvelle fois par une assistante sociale le 19 août 2009, Marina n’est pas là, et pour cause elle était déjà morte depuis 13 jours, battue à mort !
Quelle logique ?
Nous nous étions soulevés contre le fait que des enfants étaient abusivement retirés de leur famille dans certains cas et laissés aux mains de leurs bourreaux dans d’autres, nous en avions conclus à une logique de l’ASE qui nous dépasse et qui dépasse aussi la notion de protection de l’enfance. À moins que l’ASE n’ait jamais voulu se déjuger alors que depuis 2006 les services de la protection de l’enfance avaient été alertés …
Nous avions alors participé à la marche blanche pour Marina (https://comitecedif.wordpress.com/2012/11/20/marche-blanche-pour-marina/) et dénoncé l’attitude de l’association des assistants de services sociaux (ANAS) qui ne comprenait visiblement pas ce qu’on pouvait reprocher à cette profession (https://comitecedif.wordpress.com/2012/11/08/tous-les-parents-sont-concernes-par-la-marche-blanche/).
À qui la faute ?

Alors que le président du conseil général de la Sarthe écrit pour couvrir l’ASE, on s’attendait bien à des suites de ce côté là. Nous préparions un troisième article concernant l’issue judiciaire de la constitution de partie civile d’« Innocence en danger » et d’« Enfance et Partage » qui demandaient l’euro symbolique à l’État pour faute grave de ses fonctionnaires.
Nous aurions aimé avoir de bonnes nouvelles à vous annoncer, mais tel n’est pas le cas : ce jeudi 6 juin 2013, le tribunal d’instance du 13ème arrondissement de Paris, chargé de juger au civil les litiges de moins de 10 000 euros, a décidé :
QUE L’ÉTAT NE SERAIT PAS CONDAMNÉ
L’État et ses agents ne sont coupables de rien, quelques soient les suites dramatiques de signalements enterrés, de plaintes classées, l’État ne sera pas coupable. Comme il n’est pas coupable non plus de placements abusifs sur la foi de dénonciations calomnieuses foutant en l’air la vie de gamins.
Dans ce pays, des magistrats en ont jugé ainsi, il n’y a pas à y revenir.
« Circulez, il y a rien à voir » en a conclu ironiquement l’avocat de la partie civile, Maître Rodolphe Costantino : l’État n’a rien à se reprocher !
Il ne reste donc qu’une plainte contre X pour non-assistance à personne en danger déposée par une parente de la petite Marina, mais ne nous faisons pas trop d’illusions, on classe vite par chez nous …
Une pensée pour Marina (UPPM)

Mais si la justice a oublié Marina, beaucoup pensent encore à elle.
Une association : une pensée pour Marina s’est créée afin que nous n’oublions pas.
Madame Maryse Roumengous, au nom de cette association, a obtenu la création du jardin de Marina à Éconmoy, mais laissons la parole à Maryse :
Ce drame est toujours aussi douloureux et inconcevable pour nous UPPM, malgré la satisfaction d’avoir pu créer un espace de vie dédié à Marina. Son nom va perdurer et ce lieu remplacer à Ecommoy, le souvenir de cet endroit voisin où elle a perdu la vie. Nous voulions tellement un jardin rempli de fleurs, rappelant la cause des enfants victimes innocentes de la barbarie et de l’inhumanité de leurs parents mais aussi de la négligence et de l’incompétence des services sociaux censés les protéger.
Rappelons que tous, nous devons être vigilants dans la vie quotidienne.
Cet espace est le témoin de notre volonté : Ne pas abandonner cette cause et oeuvrer pour être entendus de tous.
C’est fait.
À tous de le faire vivre comme un symbole fort, à tous d’être vigilants dans la vie quotidienne.