Madame Delvarre, représentant le groupement des familles contre les dysfonctionnements des services sociaux en Isère, et notamment le CEDIF, a eu l’occasion de rencontrer Madame Caron Déglise, conseillère chargée des droits et de l’autonomie des personnes au cabinet de Madame Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille.
Madame Caron Déglise est aussi magistrat conseillère à la Cour d’appel de Paris, elle a été président du TGI de Besançon et a commencé sa carrière en tant que juge des enfants à Troyes.
Nous sommes le 19 décembre 2014 et voici ce qu’il ressort de cette réunion.
Une réunion à vocation informatrice
Il n’est plus difficile désormais de trouver des témoignages de familles victimes d’ingérences injustifiées des services de la protection de l’enfance, des articles évoquant les dérives tragiques de la même protection de l’enfance, qu’on les trouve au CEDIF, chez Contribuables Associés, dans des magazines comme Nexus ou ailleurs.
Et pourtant encore faut-il les lire lorsque l’on assume des responsabilités dans un secrétariat d’État consacré à la famille.
Madame Delvarre avait donc fait parvenir toute une documentation préalablement à la rencontre.
La réunion pourtant prévue commence avec du retard, à placer entre deux impératifs. Les documents ont bien été reçus, ont-ils été lus ?
Les lois, leur domaine d’application et leur application
En matière de lois relatives à la protection de l’enfance c’est celle du 5 mars 2007 qui s’applique. Une loi dont le domaine d’application « laisse la porte ouverte à beaucoup d’interprétations de la part des travailleurs sociaux » comme le précise Madame Delvarre puisqu’elle ne concerne plus tant la maltraitance mais l’enfance en danger ou en suspicion de l’être.
Un domaine d’application extensible qui permet bien d’élargir le domaine d’intervention et laisse libre cours aux bavures.
D’autant qu’il n’existe pas de visibilité sur les résultats de l’interventionnisme étatique en matière de retrait d’enfants ou de mesures car le projet pour l’enfant (PPE), document prévu par la loi de 2007 et destiné à établir un suivi des mesures et de leur efficacité dans le projet de l’enfant n’est pas mis en place. Eh oui, faute de se donner des objectifs pour assurer « l’intérêt supérieur de l’enfant », on peut bien faire n’importe quoi sans être ultérieurement confronté aux résultats obtenus par rapports à ceux recherchés.
Madame Delvarre met en évidence le cas de l’Isère où ce PPE n’a jamais été mis en place alors qu’il devrait aussi constituer la manifestation d’un accord entre les parents et les services sociaux
L’absence de PPE apparaît donc bien comme une manifestation de la toute puissance de l’ASE.
À cela Madame Caron Deglise répond concertation (avec qui ?), rapports commandés, propositions de lois d’amélioration de celle de 2007.
Puis elle reformule ce qui était pourtant parfaitement compréhensible dans la bouche de Madame Delvarre. Elle essaie alors de faire passer la proposition de loi sur la protection de l’enfance à venir en mentionnant que cette loi intégrerait dans ses dispositions une amélioration du PPE, lequel n’est pas appliqué en dépit de la précédente loi. Tiens on ne savait pas que le PPE était une règle supplétive (en réalité il ne l’est évidemment pas), donc applicable au bon vouloir des décideurs locaux !
Il faudrait donc soutenir cette proposition de loi (qui va réduire encore les prérogatives des parents) parce qu’avec cette loi il y a aussi un PPE de prévu.
Un marché de dupe qui donne lieu à une concertation qu’aucune association de défense des familles ne peut accepter sans se déconsidérer. D’autant que légalement le concept ne tient pas debout. On ne fait pas voter une loi pour faire passer une disposition déjà prévue dans une autre loi, évidemment si les lois ne sont plus obligatoires puisque les exécutifs locaux ont le droit de ne pas les appliquer sans être sanctionnés alors on se demande pourquoi parler encore de loi.
Madame Delvarre essaie alors de placer la conseillère devant la contradiction en lui demandant par deux fois si on peut parler d’amélioration de dispositions non appliquées par une nouvelle loi.
Eh oui, si une loi n’est pas appliquée dans un département, c’est au préfet d’agir pour assurer cette application. Nul besoin d’en faire une autre.
Même une mesure de placement doit répondre à un principe de subsidiarité
Ne se faisant pas entendre sur le PPE, Madame Delvarre aborde les garanties légales données aux familles, garanties qui ne sont pas non plus respectées.
S’appuyant sur l’article 375.3 du code civil, elle précise qu’en matière de placement la loi dispose de ce que ledit placement doit être envisagé s’il est nécessaire, premièrement auprès de l’autre membre de la famille si un des parents est déficient, deuxièmement avec les autres membres de la famille, troisièmement avec un tiers digne de confiance et quatrièmement on envisagera le placement en famille d’accueil ou en foyer.
Pourtant cette loi n’est jamais appliquée puisque la protection de l’enfance ne va jamais rechercher si un membre de la famille pourrait s’occuper de l’enfant. Systématiquement l’enfant est placé et à partir du moment où l’enfant est enlevé de sa famille, le retour est rendu difficile voire impossible, et les années passent.
Ces placement sont favorisés par les travailleurs sociaux, Madame Delvarre mentionne que les juges des enfants ont l’habitude de travailler avec les mêmes personnes et dans la grande majorité des cas ils vont appliquer ce que les travailleurs sociaux préconisent. En face les parents n’ont pas véritablement le bénéfice du contradictoire quand ils n’ont accès à leur dossier que la veille de la convocation devant le juge.
Madame Caron Déglise tique visiblement, cherche à interrompre Madame Delvarre en lui faisant le reproche de parler d’un cas alors que cette façon de ne pas accorder l’égalité des armes est loin d’être inhabituelle en matière de justice des enfants. Rappelons que Madame Caron Déglise a été juge des enfants.
Retour à la loi et à son application
Nous rentrons là dans une tentative de rendre constructive la rencontre, Madame Caron Déglise acceptant d’entendre que le problème ne serait pas seulement la lettre de la loi du 5 mars 2007 mais aussi son application par les professionnels.
C’est bien la loi qui pose problèment justement, son application ne pouvait que donner lieu à des bavures dans la mesure ooù les textes placent les professionnels en situation de toute puissance quant à la détermination de cas de mineurs susceptibles d’être en danger. Les pratiques des travailleurs sociaux découlent de cette licence.
C’est dans ce sens que Madame Delvarre abonde en mettant en évidence que les travailleurs sociaux n’ont pas besoin de prouver leurs affirmations aussi calomnieuses soient-elles. Elle donne des exemples : une maman présentée comme alcoolique par une travailleuse sociale, alors que la maman en question ne boit pas et doit se faire faire une prise de sang pour le prouver… Mais le juge aurait-il lu le résultat de la prise de sang ou aura-t-il décidé en fonction d’un rapport diffamatoire ?
Madame Caron Déglise reformule encore, puis développe une réflexion sur l’administration comparée de la preuve en droit civil et en droit pénal. Elle propose enfin une réflexion sur la possibilité de faire intervenir l’appréciation de plusieurs professionnels dans des enquêtes éducatives afin d’éviter la trop grande subjectivité d’un enquêteur unique.
Là encore nous connaissons les expertises de nombreux psys de CMP après avoir lu les dossiers rédigés par des travailleurs sociaux ou être chapitrés par un juge des enfants. Nous connaissons encore ces associations satellites de l’ASE en liaison avec d’autres structures réalisant enquêtes et contre-enquêtes en parfait conflit d’intérêt …L’appréciation de plusieurs professionnels n’est pas la solution, la solution c’est la sanction.
Tant qu’un travailleur social pourra remettre un dossier calomnieux sans avoir à rendre des comptes auprès de ses victimes, il continuera à rendre son sévice public et la multiplicité des intervenants n’y changera rien.
Madame Caron Déglise n’évoque pas la sanction des travailleurs sociaux délinquants, certes il appartient aux présidents des conseils départementaux d’en décider. Mais une position de principe devrait être partagée, elle est d’ailleurs la condition de toute discussion avec notre association : nous ne participerons à aucun colloque avec des décideurs tant que des gages ne nous serons pas donnés afin qu’il soit mis fin à la carrière de travailleurs sociaux dont nous possédons la preuve de leurs forfaits.
Madame Caron Déglise continue en opérant une différence entre les signalements et les rapports sociaux lesquels sont souvent déposés très tardivement. On ne saisit pas trop où il s’agit d’en venir puisqu’il n’était là question que des rapports sociaux fournis dans le cadre d’audiences. Elle reconnaît cependant avoir eu d’autres remontées selon lesquelles les rapports sociaux avant audience (ce qu’elle appelle « actualisations ») arrivent la veille ou le jour même de la confrontation devant le juge, admettant que ni les parents ni le juge ne peuvent alors avoir une vue d’ensemble. On aurait aimé qu’elle s’interroge sur le respect du contradictoire dans une telle situation.
Madame Delvarre enfonce le clou
Madame Delvarre ne lâche pas sur l’absence de véritable contradictoire, elle précise que souvent les parents ne savent pas ce qu’on leur reproche, qu’ils le découvrent alors à l’audience.
Elle mentionne que le détail des ordonnances a pu retranscrire des propos ou accusations des travailleurs sociaux qui avaient pourtant été invalidés par des preuves écrites contraires dont le juge n’a donc absolument pas tenu compte. Elle en conclue que de facto les parents sont souvent tout bonnement écartés de toute la procédure.
Madame Caron Déglise distingue alors la mesure judiciaire de la mesure administrative. Pour faire court la mesure administrative ne passe pas par un juge et suppose l’acceptation des parents qui y collaborent, alors que la mesure judiciaire fait suite à une décision du juge des enfants, lequel est saisi faute de collaboration réelle ou imputée des parents dans le cas d’une mesure administrative.
Mesure administrative ou judiciaire ?
En effet, la mesure administrative n’a de raison d’être qu’en cas d’accord sur les mesures à mettre en place avec les parents, elle relève d’une procédure amiable et ne devient judiciaire que si des arguments se confrontent avec possibilité de débordements calomnieux. Par exemple si les rapports sociaux établis dans le cadre d’une procédure administrative sont dénoncés par les parents alors on tombe dans une procédure judiciaire puisque les parents entendront confronter leurs arguments aux accusations portées.
Mais quel intérêt d’évoquer là cette distinction puisqu’il ne s’agissait pas pour Madame Delvarre d’aborder la mesure administrative quand elle évoque le non-respect du contradictoire.
On peut s’interroger tout de même sur le piège de la mesure judiciaire. En effet, l’intérêt de passer par une procédure judiciaire pour les parents serait de pouvoir contrer un rapport social. Mais les travailleurs sociaux savent bien que le rapport de force est inégal et ne se privent pas d’en menacer les parents les contraignants d’accepter leurs conditions dans le cadre d’une mesure administrative faute de quoi leur non-collaboration les conduirait à des mesures judiciaires forcément moins clémentes au lien familial.
Comment améliorer le fonctionnement de la protection de l’enfance ?
Voila la question posée par Madame Caron Déglise avec la constatation que les pratiques des travailleurs sociaux varient d’un département à l’autre en dépit du cadre fixé par la loi.
Madame Delvarre évoque le rappel à la loi pour ceux qui la transgressent par ignorance, citant les propos de Monsieur Huyette, juge des enfants, qui rappelait que les travailleurs sociaux avaient très peu de références à la loi.
Madame Delvarre s’étonne de ce que les travailleurs sociaux ne suivent pas tous ce qui est précisé dans les ordonnances des juges, s’étonne encore que les juges prennent souvent pour argent comptant les rapports sociaux et en déduit la prééminence du travailleur social sur le juge en matière de protection de l’enfance.
Dans des cas où l’intervention des services de l’État peut s’avérer indispensable, Madame Delvarre constate aussi que l’évolution de la situation parentale, lorsqu’elle est positive, n’est pas prise en compte. Elle illustre cet état de fait par le cas de parents qui réussissent à s’insérer socialement et peuvent proposer un logement décent à leurs enfants, alors que le rapport social continue à les présenter comme des marginaux et continue à les exclure de toute normalisation du lien parental.
Elle démontre là que bien souvent l’aide de la protection de l’enfance au parent consiste à les enfoncer, que l’ASE cherche à rendre les parents démissionnaires. Mais que grâce au développement de véritables associations de défense des familles les parents reprennent courage pour dénoncer la situation qui leur est faite et alerter l’opinion publique à ce sujet.
Pour Madame Caron Déglise c’est l’amélioration des pratiques, mais aussi des textes de loi qui permettra des progrès de la protection de l’enfance. Elle donne pour cela une importance particulière à la proposition de loi Meunier-Dini .
Une proposition qui va clairement limiter les prérogatives des parents, il apparaît donc que Mesdames Delvarre et Caron Déglise ne parlent pas le même langage ni ne s’accordent sur l’intérêt de l’enfant.
Madame Caron Déglise s’engage alors à transmette les éléments fournis par Madame Delvarre à sa hiérarchie dans le cadre de la concertation et insiste sur le fait qu’il s’agira d’observer de bonnes pratiques pour les intégrer à une politique nationale familiale.
Il n’y a eu aucun retour à ce jour en suite de cette réunion.
Nous nous y attendions car nous savions bien que ce que nous dénoncions était connu mais qu’il n’y a pas de volonté politique au gouvernement d’aller dans le sens de nos préconisations, tout au contraire. Nous saurons évidemment nous en souvenir lors des prochaines échéances.