Familles à la dérive

Le dérive des familles anticipée par Tocqueville
Le dérive des familles anticipée par Tocqueville
La banalisation des mesures éducatives est permise par la loi

Un article de la Dépêche nous avait été signalé comme digne d’intérêt en ce qu’il illustre la banalisation de la mise en place de mesures éducatives depuis quelques années. Une banalisation que permet notamment la loi de 2007 étendant le spectre d’intervention des services de la protection de l’enfance.

L’article en question donne la parole à la juge des enfants d’Albi, Madame Ratinaud, appelée à commenter le phénomène de forte croissance du nombre de dossiers judiciaires qui lui était soumis (pas moins de 45 % de hausse en deux ans). Une explosion qui ne tient pas compte de la multiplication des mesures administratives mises en place directement par l’ASE avec l’accord des parents, mais voila c’est là une toute autre affaire sur laquelle il y aurait beaucoup à dire.

Ainsi rien que pour 2013, plus de 500 dossiers relatifs à des mineurs en danger sont passés par la juge des enfants d’Albi dont les 4/5ème ne relèvent pas de faits de délinquance, mais de signalements émanant bien souvent d’assistantes sociales, de l’éducation nationale, de l’entourage.

Contrairement à ce que l’on peut penser à travers les messages habituellement véhiculés par les travailleurs sociaux et les media complaisants, ces enfants en proie à des mesures judiciaires ne sont pas, pour la plupart, des enfants martyrs. En décortiquant un rapport de l’ONED nous avions bien mis ce fait en évidence, mais cela passe mieux dans les journaux  quand c’est la juge qui le dit :

 « .La maltraitance physique, heureusement reste minoritaire. On a surtout des cas de carences éducatives, des parents qui n’arrivent pas à donner un cadre à leurs enfants et du coup ils font des bêtises à l’école. Le juge des enfants est également de plus en plus sollicité après les séparations, avec des enfants qui sont parfois pris en otage dans les conflits des parents et ce sont les mineurs qui «trinquent». »

Évidemment la notion de cadre éducatif est subjective et à contextualiser puisqu’un parent qui a des difficultés à imposer des limites sera étiqueté comme «défaillant ou incapable de cadrer », alors que celui qui a fixé des règles sera alors mis sur la sellette comme « psycho-rigide » voire maltraitant ne serait-ce que psychologiquement.

Une loi qui profite de la déresponsabilisation des parents pour porter des coups inouïs à l’institution familiale

Le flou qui prévaut en ce qui concerne le « bon cadrage » et la multiplication des champs d’intervention de l’ASE semble donc bien expliquer que de plus en plus de familles soient dans le collimateur.

La faute en incombre à l’interventionnisme des travailleurs sociaux désireux de justifier leurs postes et budgets, mais les parents déresponsabilisés sont aussi en partie responsables de cette situation. En effet, dupes le plus souvent, ils accepteront une mesure administrative qui se transformera en mesure judiciaire dès qu’ils n’y adhèrent plus. De surcroît, la conflictualité parentale notamment lors de divorce, donne l’occasion de règlements de compte pour des questions de résidence, de pensions alimentaires, ou d’ego en souffrance.

Cependant il y a pire et nous donnerons le mot de la fin à la juge qui a bien pris conscience d’une réalité sociologique terrible :

« Mais il y a également plus de signalements. À une certaine époque, ces problèmes restaient dans le huis clos familial mais aujourd’hui la société saisit plus facilement le juge pour régler les conflits familiaux. »

C’est bien sur ce point que le rôle de l’ASE révèle un profond malaise dans notre société : la déresponsabilisation de la famille qui abdique ses prérogatives au bénéfice de l’État.  Nous avons fait ce constat il y a longtemps en reprennant l’incontournable analyse de Tocqueville.

Combattre la déresponsabilisation des familles voila bien le coeur de l’action du CEDIF.