Zone interdite sur la protection de l’enfance (2)

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La procédure de fugue,  quoi c’est ?

Retour au foyer de Dijon : plusieurs enfants fuguent et il est nécessaire de gérer chaque jour une procédure que les sociaux ne connaissent pas.  Voila qui amène à une sous-estimation flagrante du phénomène des fugues lesquelles représentent clairement une mise en danger physique et morale des gosses placés.

Croyez que nos inquiétudes à ce sujet dans la lettre mensuelle du CEDIF n’étaient pas surfaites puisque le reportage prouve bien qu’une partie des fugueurs se prostituent alors qu’ils sont sous la garde des conseils départements. François Sauvadet, président du conseil départemental de la Côte d’Or, écarte une telle mise en cause en prétendant inspecter régulièrement et à l’improviste les foyers et en soutenant que les sociaux connaissent bien la procédure à suivre en cas de fugue. On ne lui aurait d’ailleurs pas signalé de cas de prostitution de mineures placées. Et pourtant une décision de justice de 2018, antérieure à cette interview donc, mentionne une jeune prostituée de 12 ans dans le département.

Un vivier prostitutionnel

La Côte d’Or n’est pas isolée dans cette affaire de prostitution de mineurs placés, le professeur Alain Tarrius parlait des enfants placés comme d’un vivier prostitutionnel dans une interview pour le CEDIF de 2015. Il révélait que, pour les Pyrénées orientales, sur un échantillon aléatoire de 49 jeunes de 18 à 25 ans passés au moins 10 ans par l’ASE, 65 % avaient été consommateurs de drogues et 22,5 % prostitué(e)s et consommateurs de drogues.

Jean-Charles Doria, pour Zone Interdite, trouve d’ailleurs d’autres jeunes filles prostituées à Avignon, une vingtaine que des proxénètes venaient chercher à la sortie du foyer.

Retour sur l’affaire de Valloires

Des scandales s’invitent aussi à l’intérieur des foyers et la rédaction de Zone Interdite s’était intéressée à notre article et contacts avec des parents dont les enfants avaient été victimes d’actes d’attouchement et de viols à Valloires. Ici on ne comprend pas bien la présentation d’un père de famille touché par cette terrible affaire, un divorce conflictuel aurait justifié le placement ou un manque de moyens financiers ? Fadaises que tout cela, mais après tout ce qui a été dit pour justifier les placements et ignorer la notion de « placement abusif » la rédaction se trouvait placée face à une difficile contradiction.

Passons sur cet amateurisme affligeant, toujours est-il que la fille et le fils de ce papa ont été abusés sexuellement par un gamin de … 12 ans et que  les viols avaient commencé quand ce gamin avait 9 ans, mais nous en avions déjà parlé donc.

Ce que nous  ne savions pas, par contre, c’est que le père qui a dénoncé ces faits a subi une restriction de ses droits de visites justifiée ainsi sur l’ordonnance du juge : « Monsieur exprime sa colère à l’encontre des professionnels de l’Aide sociale à l’enfance, Monsieur a pris l’initiative de médiatiser l’incident dans la presse locale, les réseaux sociaux et la télévision régionale. Monsieur a montré un comportement inadapté à l’encontre des professionnels allant jusqu’à communiquer les coordonnées de la référente ASE aux médias et s’est adressé de manière agressive envers (sic)  les professionnels. Il a pris l’initiative de suspendre les visites des enfants à la maison de Valloires. Repris sur ses éléments, il a été expliqué que l’incident a été immédiatement signalé par le juges des enfants à la direction de l’ASE et au Parquet … la maison de Valloires assure de façon professionnelle et adaptée la prise en charge des enfants placés. »

Il s’avère que l’incident en question consiste donc en 22 enfants victimes d’agressions sexuelles à Valloires sur une période de 6 ans. Jean-Marie Cuminal, président de l’association de Valloires qui gère la MECS, apparaît à l’écran et semble ne pas croire les témoignages des enfants, il donnera sa démission quelques semaines après. Il s’avère aussi, et non ne le savions pas, que les agressions étaient connues depuis 2012 et donc que le pervers n’avait pas 9  ans, mais 7 ans au début des faits ! Ce qui paraît à peine croyable. Il apparaît enfin que la justice a été informée mais que le gamin pervers a été maintenu dans l’établissement. Tout le système est défaillant, voila le secret de polichinelle dévoilé par un éducateur qui ajoute : « on garde le prédateur sexuel parce que personne n’en veut ».

Un silence assourdissant

Le final fait apparaître Perrine Goulet, député LREM, ancienne enfant placée qui a pris des positions antifamilialiste, elle utilise le terme « oubliés de la république » en référence au livre de Créoff qui refuse de reconnaître les placements abusifs. Il paraît d’ailleurs que tout va s’arranger puisque la commission parlementaire sur la protection de l’enfance travaille. Que de naïveté alors que nous savons que cette commission a visé à entériner les propositions des antifamilialistes.

La formule qui manquait est donc « placement abusif », ce manque nous a écorché les oreilles, mais en ces temps agités de Coronavirus la population commence à comprendre que les solutions étatiques esquissées sont fondées sur une information biaisée, c’est tellement vrai en matière de protection de l’enfance.

Les députés réfléchissent sur la protection de l’enfance

Un plan com magistral

Le massacre des Innocents, livre écrit par Michèle Créoff et Françoise Laborde a bénéficié d’une opération de communication rarement vue à ce jour et qui tient de l’agit-prop. En effet, le bouquin ne s’astreint pas à exposer un point de vue, il entend lui donner force de loi par le biais d’une pétition signée dans le milieu artistique afin de soutenir les mesures préconisées par les auteures.

Dans le même temps un plan média est lancé.

Ce plan carbure à merveille et est consacré par un plateau-tv de « Pièces à conviction » sur France 3, une chaîne d’État réunissant Françoise Laborde, Lyès Louffok, Perrine Goulet. Michèle Créoff, vice-présidente du CNPE (Conseil National de la Protection de l’Enfance), siège dans les rangs du public et sourit à la caméra.

Les dérives de l’ASE sont justement dénoncées mais rien, absolument rien sur les placements abusifs. Au contraire les enfants placés sont présentés comme des enfants sauvés !

Le reportage montre des parents coopératifs, avouant leur insuffisance et apportant leur propres enfants dans des foyers !

Beaucoup de familles ont été choquées par ces images, particulièrement les familles membres du CEDIF.

Le reportage s’attarde ensuite sur Lyès Louffok qu’il auréole et présente tel le sauveur des jeunes placés, il suscite d’ailleurs la création d’associations d’enfants placés proches des lobbies adoptants.

Louffok
La réponse de Lyes Louffok au CEDIF

Ce soir là Françoise Laborde s’en prend à la ministre Agnès Buzyn, l’accusant d’abandonner les enfants placés à leur sort. Saint Louffok, à son habitude, en rajoute une couche dans l’indignation, Perrine Goulet, présentée comme ancienne enfant placée et députée LREM, sert de caution.

Ils ont le pouvoir de faire le gouvernement

Quelques ratées apparaissent tout de même puisque Michèle Créoff divise au sein du CNPE. Son agit-prop passe en effet mal, le CNPE se dit mis devant le fait accompli et certaines personnalités démissionnent. Mais de cela nul ne parlera vraiment, les vocations frondeuses ne sont pas récompensées ni a fortiori médiatisées.

L’autre effet de l’agit-prop est la mise au pas d’Agnès Buzyn qui accepte la création d’un secrétariat d’Etat en charge le protection de l’enfance pour lequel Aurélien Taquet est nommé. Mais visiblement, Adrien Taquet, qui ne répond pas au CEDIF, n’est pas non plus suffisamment aux ordres ceux qui se vantent d’avoir participé à la création de son poste. Il est donc hargneusement taclé par Louffok qui ne touche plus terre et l’accuse de ne rien faire et de gesticuler pour justifier ses revenus (cinquième minute du reportage)

Ils ont le pouvoir de faire les lois

Succès pour l’opération d’agit-prop, une petite équipe resserrée est donc suffisante pour faire bouger les lignes en s’appuyant sur des connivences médiatiques et politiques.

Il faut aller plus loin désormais en figeant dans le marbre de la légalité ce qui relève d’une vision partiale et de l’intérêt de quelques-uns. Rapidement une loi voulue par Michèle Créoff dans les 19 mesures de son manifeste (la dix-septième en l’occurrence) permet à l’ASE de continuer son œuvre sur des majeurs de moins de 21 ans. Ou comment exiger 3 ans de plus de budgets et de personnels pour ne pas réussir ce que l’on n’a pas été capable de faire en des années de placements !

Dans le même temps, Maud Petit et Laurence Rossignol sont à la manœuvre après l’échec d’une proposition de loi anti-fessée de 2010. Cette fois-ci dans le contexte d’une campagne de publicité dénonçant les violences sur enfants, elles pressentent que cela passera même en chargeant davantage la barque. Pari réussi : la loi contre les « Violences Éducatives Ordinaires » (VEO) ira encore plus loin puisqu’il ne s’agira pas seulement d’interdire la fessée mais aussi tout geste éducatif contraignant devenu violence morale, psychologique, non bisounours.
La loi est d’ailleurs votée à la quasi-unanimité, et seule une députée Emmanuelle Ménard s’y oppose !

On peut donc dire à ce moment que les prérogatives de sanction éducative des parents disparaissent et que la notion même de placement abusif n’existe plus dans la mesure où tous les parents sont devenus maltraitants à l’exception de quelques bobos.

En effet selon l’Observatoire de la Violence Éducative, 87 % des enfants, soit leur quasi-totalité, subissent des punitions à titre éducatif.

Une commission sous influence

La mise sous tutelle éducative de l’institution parentale n’est cependant pas encore complète, le troisième effet de l’opération d’agit-prop est la désignation d’une mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’Aide Sociale à l’Enfance.

Le rapporteur de la commission en question appartient au clan anti-familialiste, puisqu’il s’agit de Perrine Goulet elle-même. Mais elle n’est pas seule puisqu’en tant que vice-président du CNPE, Michèle Créoff argumente et propose, quant aux anciens enfants placés l’ombre de l’éducateur Louffok plane sur eux ainsi que la dix-neuvième mesure du manifeste de Michèle Créoff qui entend les organiser et les financer par notre poche. Rien ne semble là véritablement improvisé.

Pour ceux qui n’auraient pas encore compris, le couplet de mise en accusation du familialisme est reproduit dans le rapport, il y est précisé que cette conception (familialiste) est qualifiée de dogme par certains professionnels, qu’elle a prévalue et s’est amplifiée jusque dans les années 2000, qu’il faut poursuivre ce changement de paradigme en cours, autrement dit mettre fin à cette conception dénoncée depuis la loi Meunier-Dini de 2016.

On se sortira donc du « dogme familialiste », d’ailleurs les intervenants invités à s’exprimer y adhèrent ou n’y sont pas hostiles. Ainsi, parmi les représentant d’anciens enfants placés pas un ne parle de placement abusif, tous reproduisent le discours de Lyès Louffok et se présentent comme ayant été sauvés par l’ASE grâce à des familles d’accueil et des travailleurs sociaux exemplaires. L’intérêt supérieur de l’enfant est bien souvent opposé à celui des familles grâce à ces témoignes qui ne concordent pas avec ceux que nous recevons.

Évidemment le CEDIF, spécialiste familialiste de la question n’a pas été associé à cette mission d’information alors que nous avions interpellé publiquement Aurélien Taquet sur l’opération de manipulation qui s’annonçait.
Nous avions aussi alerté les naïfs sur la nature des travaux et les conclusions attendues d’avance, nous n’avons pas été écoutés.

Ceci nous a donné l’occasion de critiquer l’intervention de Sylvain Moraillon dont la présence a servi à donner du crédit à cette commission.

Enfin le 3 juillet 2019, Perrine Goulet rend le rapport de cette commission, et là accrochez-vous c’est du lourd, du très très lourd. Nous pensions avoir assisté au pire avec la loi sur les violences éducatives ordinaires, mais voila la preuve qu’ils pouvaient aller encore plus loin et qu’ils seront certainement suivis puisque tous les députés ont applaudi.

Des propositions qui inquiètent les familles