Un avocat dénonce la procédure des placements abusifs

Une proposition de loi à suivre

Maître Michel  Amas, invité sur Radio JM , est présenté comme l’avocat qui a sorti 706 enfants des griffes de l’ASE et l’initiateur d’une proposition de loi visant à réformer la procédure de placement d’enfants en :

  • obligeant la communication des rapports sociaux aux parents 15 jours avant une audience
  • contraignant le juge à répondre aux demandes des parents sous 15 jours
  • imposant une caméra en audience.

Les placements abusifs restent méconnus

L’homme fait donc œuvre utile pour la défense de l’institution familiale.  Il se présente, précise sa qualité d’avocat depuis 30 ans, mais ne découvre la réalité des placements que récemment. Comme de nombreux Français, il pensait que l’aide sociale à l’enfance n’intervenait que pour l’enfance maltraitée. Il découvre donc il y a quatre ans ce que nous dénonçons au CEDIF depuis 13 ans !

Nous ne cessons d’être étonnés au CEDIF de ces parents qui nous saisissent en pensant être les seules victimes du placement abusif de leurs enfants. Ils croient encore qu’il s’agit d’un malentendu, nous prenons le temps de leur expliquer le fonctionnement de l’ASE. Puis nous leur posons cette question : « vous n’êtes jamais voir le site du CEDIF avant que les sociaux ne frappent à votre porte ? ». Encore ne sont-ils pas avocats…

Mais Michel Amas aurait aussi gagné à venir nous voir ; il faut donc bien penser que son premier client touché par un placement abusif a croisé son chemin il y a seulement 4 ans. Il reconnaît pourtant l’ampleur du phénomène puisque, comme il l’illustre, le nombre d’enfants placés est équivalent à la population totale de la ville de Toulouse. Que n’en a-t-il pas rencontré avant … Mais voilà, en se penchant sur la question il vient redresser des torts, et les autres avocats ils sont où ?

Ils s’en foutent disons-nous, parce que tout le monde s’en fout affirme-t-il. Les cris du CEDIF résonnent sur les dunes du désert. Il n’a pas tort, mais si la population croit que l’ASE intervient dans les seules affaires de maltraitance c’est aussi, il faut le dire, le fait d’une propagande étatique, d’opérations d’agit-prop lancées par des lobbys de sociaux sur la thématique de la maltraitance parentale. Les médias ne parlent aussi que de cela et portent la complicité des placements abusifs.

Un scandale d’Etat

Ces placements d’enfants sont un scandale d’État accuse-t-il puisque l’on place des enfants de parents qui se disputent, les enfants de femmes battues, les enfants autistes dont un sur quatre est placé.

Nous confirmons.

Effectivement la majorité des cas qui nous sont soumis relève de règlements de compte parentaux envenimés par l’intervention des sociaux qui prennent partie pour le parent le plus « coopératif ». Nous avons aussi de ces mères qui fuient pour être accueillies dans des foyers mère-enfant, antichambre du placement. Quant aux enfants autistes placés, nous en avons parlé avec Maître Sophie Janois, il y a de cela 4 ans.

Michel Amas ose aussi dire que les enfants de parents qui ont un jour demandé de l’aide à l’ASE deviennent la cible des sociaux. Voilà encore un constat que nous faisons avec les mêmes préconisations : allez voir un pédopsychiatre si vous êtes débordés, mais n’allez ni en CMP ni à la PMI ni à l’ASE et fuyez les «cafés des parents ».

La procédure et le contradictoire

Les parents ont moins de droit qu’un individu suspecté de crime. Mais oui, vous avez raison Maître Amas, il existe bien une présomption de maltraitance quand les terroristes jouissent d’une présomption d’innocence. Autrement dit le parent est maltraitant faute de pouvoir prouver le contraire. Il n’a pas non plus le droit de demander des actes tels des expertises, contrairement au criminel. Oui, c’est tout à fait vrai, les demandes des parents sont de l’urine dans un violon, le juge des enfants n’en tient pas compte et peut en prendre ombrage. Sur 900 demandes formulées par Maître Amas, seuls 6 juges des enfants ont répondu !

La procédure empêche l’égalité des armes tout simplement parce que la procédure en justice des mineurs prétend protéger les mineurs contre des parents présumés maltraitants ou non aptes à la parentalité. Il a été admis depuis une condamnation de la France que cette procédure supposait le contradictoire, mais dans les faits point de contradictoire puisque les parents n’ont pas les moyens d’assurer leur défense ni celui de permettre au public de se rendre compte du défaut de contradictoire. Les avocats des parents arrivent souvent en audience sans savoir ce que les sociaux reprochent à leurs clients, faute d’avoir le temps de préparer leur réponse à un rapport social souvent calomnieux, quelques fois truffé de faux.

Maître Amas ne dit rien d’autre en s’étonnant que l’utile huis clos pour préserver l’enfant préserve en réalité sociaux et magistrats  du respect de l’accusé parent ; que le dossier en assistance éducative ne soit pas mis à disposition dans des conditions respectueuses des droits de la défense. Ceci sans témoin, sans trace de la façon, trop souvent humiliante, dont ces procès sont menés.

Il constate lui aussi qu’en audience, des juges peuvent parler mal aux parents, avec morgue, manque de respect, une façon de procéder qu’il n’a pas vu face à des délinquants, des criminels. Il réalise que les véritables décideurs du placement ce sont les sociaux. Il l’exprime de façon tout à fait convaincante avec sa formule : « les juges ne rendent pas la justice en France, ils la gardent, ils ont totalement délégué cette justice aux services sociaux ».

Les moyens ? Ils n’en ont que trop !

Mais il n’en a pas encore compris la raison puisqu’il attribue cette démission à un manque de moyens, ce qu’il veut prouver par la faible activité des sociaux qui ne rencontrent qu’une fois ou deux les familles avant de décider des placements. Son interlocutrice a bien compris la faille de ce raisonnement, elle parle d’un manque de logique.

Allons plus loin, 8 milliards d’euros annuels ce n’est pas un manque de moyens. Il faut lire le CEDIF pour mieux comprendre, en reprenant les explications d’une sociale en responsabilité du côté de l’Isère : « On a de l’argent pour placer alors on place ! ». Placer c’est permettre un taux d’occupation optimal des foyers, c’est assurer  des emplois, une clientèle politique comme nous le révélait le sociologue Alain Tarrius dans le cadre d’une enquête menée sur la question.

Ne pas leur donner les moyens de placer c’est restreindre les budgets ; c’est sur ce point que nous marquons la différence du CEDIF alors que d’autres, y compris de prétendues associations de défense de la famille parlent encore d’une formations défaillantes des sociaux. Mais comme nous le révélait Antigone, cadre formatrice à l’ASE, ils sont formés pour placer.

Croit-il vraiment au manque de moyens : nous le suivons seulement sur le manque de moyens en termes de compétences pour avoir proposé que le juge de l’enfance en danger ne soit pas celui de l’enfance délinquante, ce que nous plaidons depuis longtemps.

Nous n’avons pas les premiers de la classe

Il nous convainc davantage de la démission au jugement par une approche du profil type de juge des mineurs .  «Qui est juge pour enfants en France ? », interroge-t-il de façon rhétorique.   « La plupart du temps c’est leur premier poste, là où on découvre, c’est des gens qui ont 28-29 ans parfois, qui n’ont pas de recul sur la vie, qui n’ont pas divorcé, qui ne se sont pas levés à 4 heures du matin, qui ont aucun recul sur la vie. Ou alors on a de vieux juges qu’on met là en attendant  parce qu’ on sait pas trop où les mettre aussi … ».

 Autrement dit si ces juges s’en remettent aux sociaux c’est qu’ils ne sont pas en état de juger pour le mieux qu’ils soient peu expérimentés ou placardisés dans ce poste après de plus hautes fonctions. Comme nous le confia un pédopsychiatre : « les juges des enfants sont à la magistrature, ce qui les praticiens de CMP sont à la psychiatrie. »

Ses constats, ils les lui font payer : Michel Amas avoue s’être engagé sur un terrain miné. Sociaux et jugent des enfants  ne lui pardonnent pas son statut d’avocat lanceur d’alerte, il doit faire face à plus de 80 plaintes alors que celles-ci étaient rarissimes avant son engagement.

Ce n’est pas ainsi que l’on entame une détermination, bien au contraire.

De la Justice des mineurs dans le meilleur des mondes

Comment s'articule le  contradictoire en justice familiale ?
Comment s’articule le contradictoire en justice familiale ?

Quelle place laisser au contradictoire dans la justice des mineurs ? L’AFMJF répond en faisant du véritable contradictoire un artifice procédural destiné à mettre en cause le travail des professionnels du social. Une analyse qui n’est bien évidemment pas la nôtre et que  condamnera la CEDH.

« L’originalité et l’humanité de l’assistance éducative »

L’Association Français des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille met en ligne un grand nombre d’articles issus de sa revue : « La Lettre de Mélampous ». De multiples sujets en prise directe avec la problématique de la justice des enfants sont abordés. Parmi ceux-ci, un en particulier m’a fait réagir et ne peut laisser indifférent les militants de la cause de l’enfance et de la famille. Ce sujet, abordé sous la plume de Michel Rismann en 2001, est le respect du contradictoire en justice des enfants. Son titre conclu déjà la question par un « Le contradictoire en assistance éducative existe ! »

Pourtant, dès les premières lignes de l’article l’AFMJF semble dénoncer le contradictoire comme une procédure formaliste qui tuerait ce que le juge Rismann appelle « l’originalité et l’humanité de l’assistance éducative ».

Les mots expriment quelquefois le contraire de la réalité qu’ils décrivent, on appelle cela la novlangue, concept développé par Orwell dans 1984.

« L’humanité de l’assistance éducative » relève d’un tel concept, puisqu’elle ne passe pas par la communication des pièces, l’accès au dossier, la copie des rapports, mais par la « forte implication du juge pour un débat contradictoire à l’audience, la recherche de l’adhésion, le respect de la sensibilité des personnes ».

Autrement dit, dans le monde des Bisounours de la justice des enfants et des familles, le contradictoire consisterait pour les parents à se livrer à la nécessaire humanité des travailleurs sociaux et des juges. Et le juge Rismann de dénoncer « certains » pour qui « la procédure devant le juge des enfants opposerait les familles aux professionnels du travail social, engagés dans un véritable combat. »

Le contradictoire comme une insulte aux travailleurs sociaux

Les obsédés de l’équité du procès seraient donc animés de mauvaises intentions et se placeraient à la limite de l’outrage à fonctionnaire du social, tant est qu’une telle qualification puisse prospérer. Ainsi une présentation « délibérément provocatrice et dévalorisante pour les travailleurs sociaux » consisterait à dénoncer des écrits méprisants de leur part, des « commentaires rapportés de façon approximative, hâtive, peu argumentée, avec un vocabulaire inapproprié ou inutilement blessant ».

Si le juge Rismann mentionne que de telles pratiques ne sont pas perceptibles dans les cabinets des juges de l’AFMJF, je peux lui préciser que ces façons de procéder sont loin d’être rares et que les bénévoles de la protection des familles vérifient bien la réalité de telles pratiques. Je me permettrai donc de faire connaître des pressions sur témoins et faux calomnieux introduits sciemment dans des rapports dont je réserve la primeur au livre noir de la protection de l’enfance.

Où l’on reparle des fameux experts 

Le magistrat ajoute encore que «les professionnels du travail social ne sont pas, sauf le cas particulier du service gardien, désignés par la loi comme parties au procès » et il les qualifie davantage comme des experts : « le juge s’adresse à eux un peu comme à des experts, en tout cas des spécialistes de l’action éducative ».

Soit, là est bien la place inconsidérément donnée aux travailleurs sociaux, mais a-t-on déjà vu des procédures lors desquelles les expertises ne seraient pas systématiquement transmises aux mis en examen ?

Aux mis en examen donc et pas aux parties, car dans ses efforts pour extraire les travailleurs sociaux du rôle de partie tout aussi bien que du rôle de représentant de la politique familiale de l’État, le juge Rismann leur octroie une fonction principale : celle  d’observateurs impartiaux car professionnels de l’enfance, à ce titre capables de juger. Oui de juger des capacités éducatives des parents, car ces « professionnels ont incontestablement acquis une grande maturité dans la rigueur et l’objectivité de l’analyse ». Je n’invente nullement la parie en italique et l’adverbe « inconstestablement » a bien été utilisé.

Une analyse incontestablement objective ne laisse aucune place à son questionnement.

Par conséquent, que  le dossier d’assistance éducative ait ou non été consulté ne change  strictement rien à l’affaire puisqu’une telle possibilité ne donne pas le droit aux parents d’être audibles lorsqu’ils remettent en cause les « expertises » des professionnels du social, même quand celles-ci comportent des faux.

Quel rôle reste-t-il pour les parents ?

Pourrait-on alors considérer, que, sans que le principe du contradictoire ne soit remis en cause, l’on puisse aller jusqu’à exclure la présence des parents lors des audiences ?

Mais pourquoi pas puisque l’originalité de cette procédure est qu’elle tient davantage de l’inquisitoire avec présomptions irréfragables servie par des procureurs et experts, que d’une procédure accusatoire dans laquelle deux parties égales confrontent leurs arguments.

La place des parents n’est donc pas celle d’une simple partie à mettre sur le même plan que celle des éducateurs, ils sont plus bas, bien plus bas et plus bas que terre trop souvent.

S’ils ont leur place c’est sur la sellette, afin d’admettre à raison et quelquefois à tort les faits, le diagnostic et les solutions, tels qu’ils leur sont présentés. Leur seul droit est d’adhérer, comme il l’est dit au début de l’article, aux préconisations de ceux qui savent.

Le formalisme du contradictoire n’aurait pas sa place dans un monde où la vérité sort de la bouche des travailleurs sociaux, puisqu’il est question du seul bien commun des parents et des enfants. Laisser libre court à l’entêtement des parents et à leur déni n’est donc pas utile et n’impose pas de fournir les moyens de ce déni que serait le contradictoire en terme de procédure.

Et qui juge de facto ?

Quant au juge des enfants, quel rôle lui reste-t-il à travers une telle conception de la justice des enfants, sinon celui du chef de service des travailleurs sociaux, chargé de distribuer la parole et de faire comprendre une dernière fois aux parents leur propre intérêt et celui de l’enfant ?

En poussant un peu la démonstration, oh à peine, on pourrait aller jusqu’à considérer que le dossier est déjà un jugement et que les travailleurs sociaux sont tellement probes que les véritables audiences se tiennent en leurs bureaux derrière deux affiches syndicales.

Justice moyenâgeuse disait Michel Rismann en grossissant ironiquement le trait de ses contradicteurs.

Nous ne reprenons pas une telle accusation un peu facile. Disons que la justice moyenâgeuse peut avoir mauvaise presse mais j’ai la faiblesse de préférer un jugement de Saint Louis sous son chêne que celui rendu par de possibles glands que d’aucuns pourraient considérer comme experts.

LA CEDH A CONDAMNÉ UNE TELLE CONCEPTION

L’originalité de la procédure devant le juge des enfants est tellement originale qu’elle ne s’embarrasse pas de la forme procédurale qui impose à tout  procès la garantie pour celui qui est accusé de savoir de quoi on l’accuse et de pouvoir répondre à ces accusations.

Une forme qui correspond tout simplement à ce que la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) qualifie de procès équitable. Peu de temps après la rédaction de l’article du juge Rismann, cette même CEDH va donc condamner la France Bisounours pour refus de communication des dossiers d’assistance éducative aux parents. Un décret du 15 mars 2002 va donc corriger le tir.

L’avancée est de taille car antérieurement à la condamnation de la France, l’accès au dossier d’assistance éducative était limité aux seuls avocats des parents.  Le ministère d’avocat n’étant pas obligatoire devant un juge des enfants, certains parents ne pouvaient donc pas avoir accès au dossier d’assistance éducative. Or une telle inégalité de fait entre parents assistés et parents non assistés est de nature discriminatoire.

Pour autant, le dossier d’assistance éducative n’était et n’est toujours pas communiqué dans son intégralité aux pères et mères. Le terme « communiqué » est même tout à fait impropre car ce dossier peut seulement être consulté selon les disponibilités horaires du greffe et dans un laps de temps limité avant l’audience. Il peut aussi s’enrichir de pièces versées au dernier moment sans que les parents n’en soient informés.

En dépit de la condamnation de la France, des magistrats persistent à rejeter le contradictoire

Eh oui, c’est le cas d’une juge des enfants qui, encore en 2014, ose écrire :

« Concernant la nullité qui résulterait de l’absence de respect du contradictoire,  je vous précise que, de manière un peu différente des audiences civiles de plaidoirie qui ont pour but de trancher définitivement un litige, les audiences d’assistance éducative ont justement pour but de débattre des éléments que les différents professionnels ont fait parvenir au juge des enfants et le cas échéant d’ordonner d’autres investigations. »

Autrement dit, pas la peine de savoir de quoi on est accusé et quels sont les éléments d’accusations, on regardera cela tous ensemble lors de l’audience (et pas avant). Si on fait une erreur par cette conception aberrante du contradictoire, c’est pas bien grave puisqu’on ne tranche pas définitivement : on refera une audience l’année prochaine !