Pour un Nüremberg des sévices sociaux

La reconnaissance de l’injustice

Des décisions de justice ont été prises, souvent sous l’influence de dossier dits d’assistance éducative réalisés par des travailleurs sociaux.

Dans d’autres situations, ce sont des enquêteurs qui sont intervenus.

Les uns comme les autres ont été chargés d’instruire des affaires, ce qui signifie qu’il leur appartenait de trouver des éléments éclairant la décision d’un juge en fonction de considérations éthiques, juridiques ou de simple opportunité.

nurnbergEt puis un jour, on se rend compte que ces décisions, qui peuvent aussi bien être de nature administrative tout en ayant fait l’objet là aussi d’enquêtes, sont des décisions injustes.

Dernièrement en France, les autorités ont enfin réalisé que la déportation des enfants Réunionnais pour adoptions dans la Creuse, relevait de décisions injustes.

Actuellement en Suisse, les mesures de protection des mineurs par décision d’autorités de tutelles des cantons ont fait l’objet d’un examen. Qu’une telle protection puisse avoir donné lieu à plus de 20 000 internements administratifs est finalement considéré comme injuste.

Allelujah

Injuste donc l’avortement et la stérilisation forcée de Bernadette Gächter, il aura fallu tant d’années pour reconnaître l’évidence ??!!!

Tous les 40 ans on s’excuse et on recommence 

Des excuses ont été faites par les dirigeants d’aujourd’hui, plus de 40 années après les faits. Dans l’intervalle d’autres décisions immondes sont prises et détruisent des familles.

Des parents d’aujourd’hui dont les enfants ont été placés sans réelle justification ont donc eu l’idée de s’adresser à l’administration en charge de gestion des excuses, à savoir la « table ronde » et son délégué aux victimes. Il était question d’opérer un testing de cette administration afin de déterminer si elle était de bonne foi en propageant son message du « Plus jamais cela » et en se livrant à des exercices cathartiques.

La réponse est venue de Janine Mauerhofer, assistante déléguée pour les victimes de mesures de coercition à des fins d’assistance :

«  Merci pour votre courriel. Nous sommes désolés des épreuves que traverse la famille xxx. Le délégué aux victimes de mesures de coercition à des fins d’assistance n’est malheureusement pas la bonne autorité pour traiter de votre cas. En effet, le délégué est l’interlocuteur pour toutes les personnes ayant fait l’objet de mesures de coercition dans la période allant jusqu’à 1981, date de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions du Code civil sur la privation de liberté à des fins d’assistance. La Table ronde, mise sur pied après la cérémonie de commémoration que vous évoquez, réalise un travail de mémoire sur le passé et n’émet pas de directives fédérales concernant les victimes actuelles de mesures de coercition (pour en savoir plus : www.fszm.ch). »

Il faudra donc attendre encore 40 ans pour que les excuses de demain viennent pardonner les erreurs d’aujourd’hui !

La table ronde est donc une sinistre farce dont la seule vocation est d’éteindre le feu à l’État.

Les excuses sont une nécessité quand la réalité ne peut plus être occultée, elles permettent le maintien de la légitimité de ceux qui entendent nous gouverner même si la réalité de leur pouvoir c’est aussi l’oppression et la négation du lien familial.

Les excuses sont une arme de légitimité face à la faute rendue évidente, la faute criminelle de l’État.

À qui la faute ?

La faute en l’occurrence est à l’origine de dommages, de vies gâchées. Elle suppose bien évidemment le paiement du prix de la faute.

Ce paiement, pour les internés administratifs, devrait prendre la forme d’un fonds de détresse et d’un fonds de solidarité. Une solution de facilité.

Il reste la désignation des responsables, ceux qui ont obéi, ceux qui se sont mal comportés, les profiteurs d’une main d’œuvre gratuite, les violeurs, et il y en a eu. Rien n’est prévu de ce côté, pire les traces sont souvent effacées et les archives peuvent avoir été sciemment détruites, les victimes ne peuvent alors demander des comptes auprès de leurs bourreaux.

Cela est d’ailleurs voulu, car pour la confédération helvétique il y a là certes faute, mais nulle responsabilité pénale discernable, ni civile d’ailleurs. Autrement dit, nul coupable ou plus exactement tous coupables.

L’objectivation de la faute ou le tous coupables !

La logique à l’œuvre est exactement celle des États dits démocratiques : toutes les saloperies commises le sont au nom du peuple, le peuple est donc responsable même s’il n’a pas conscience des horreurs commises en son nom. Des horreurs commises en réalité par des hommes et des femmes tout à fait déterminables.

En effet, les décisions prises et leur mise en application l’ont été du fait d’êtres humains tout à fait identifiables par un nom, un prénom, une adresse, il n’est pas bien difficile de les citer même si les archives ont été détruites.

Fonctionnaires des sévices sociaux suisses : on n'a rien à dire, on a rien vu, on a rien entendu.
Fonctionnaires des sévices sociaux suisses : on n’a rien à dire, rien vu et rien entendu

Mais non les noms ne sortent pas.

Si la capacité des représentants de l’État de commettre les pires abominations est sur le papier sanctionnée par le Tribunal Pénal International, la Confédération Helvétique, elle, a fait le choix du tous coupable sauf l’État.

Ce choix se traduit par le très condamnable concept juridique d’objectivation de la faute. Précisons que l’on entend par faute non seulement la violation de dispositions légales mais aussi de règles de conduite, en l’occurrence l’internement administratif est une atteinte grave au droit international humanitaire. Une conception saine du droit suppose que toute faute doit être réparée par son auteur sur le plan civil, et que sa commission en toute conscience expose à des poursuites pénales.

Cependant cette notion viciée qui est l’objectivation de la faute supprime de fait la responsabilité de celui qui en est l’auteur. Avec cette notion, on ne tient alors nullement compte de la conscience du fautif d’accomplir des actes préjudiciables.

Sur un plan pénal, si une telle conception avait prévalue en 1945, il n’y aurait jamais eu de Procès de Nüremberg. On oublie alors que la faute quand elle conduit un crime, suppose la punition non pas seulement pour le plaisir de la répression mais pour l’exemplarité de la peine seule mesure de dissuasions.

Faute de dissuasion le crime se renouvelle et il crève les yeux actuellement.

Sur un plan civil l’objectivation de la faute en fait reposer le poids non sur les fautifs mais sur l’ensemble de la population. La faute des coupables est donc répartie sur le dos des innocents, car qui peut encore croire à ce mythe qui voudrait qu’en démocratie nous sommes tous coupables des saloperies de nos gouvernants ?

Les ridicules justifications de l’objectivation de la faute

Mais l’objectivation a aussi un objectif de satisfaction des demandes des victimes. C’est là le côté positif bien que tout à fait amoral mis en avant. Les moyens des coupables ne suffiraient pas à régler les compensations financières d’actes d’internement abusif, de castration, de stérilisation, d’avortement et d’adoptions forcés ni le placement en esclavage de jeunes dans des fermes.

Seulement voila, le fonds d’indemnisation s’est monté initialement à 7 ou 8 millions de francs suisses alors qu’il est demandé 500 millions de francs.

7 à 8 millions de francs revient à payer de 4 000 à 12 000 francs suisses pour des vies gâchés. Sachant que le salaire médian (salaire pour lequel 50 % des ménages suisses gagnent plus et 50 % moins) est supérieur à 6 000 francs, le fonds d’indemnisation prévoit de verser de 15 jours à 2 mois de salaires supplémentaires pour 10 ans de travaux forcés, des castrations, des avortements.

Cela revient de faire de la Suisse le pays où la main d’œuvre enfantine était la moins chère au monde et dans lequel les mutilations sexuelles. Mais attention, pour prétendre à l’aumône encore faut-il prouver auprès de la « Table Ronde » son état de nécessiteux.

 Ce fonds de misère est géré par un organisme officiellement nommé « la Chaîne du Bonheur », si c’est pas du foutage de gueule ça !

Au nom de la justice, de la morale et des victimes

Évidemment on peut donner plus mais certainement pas de la poche des contribuables et certainement pas sans un jugement. On ne devrait pas non plus parler là de dons mais de réparations civiles (selon l’expression consacrée).

Pas d’objectivation de la faute, mais des coupables avec un procès publics et des condamnations. La seule justice dans cette affaire serait celle d’un Nüremberg des sévices sociaux à l’enfance.

Suite : la table ronde répond

« L’État nous a trahi. Si nous ne sommes pas vigilants tout est possible »

Madame Ursula Müller-Biondi
Madame Ursula Müller-Biondi

Bonjour Madame Müller-Biondi, vous êtes l’auteur d’un livre poignant, Geboren in Zürich (née à Zürich) dans lequel vous faîtes le récit des atrocités, le mot n’est pas trop fort, que vous avez subies. 

C’est donc en tant que premier media Internet français des familles victimes de maltraitances institutionnelles que nous avons souhaité vous interviewer. Nous vous remercions d’avoir bien voulu accepter le principe de répondre à nos questions.

CEDIF : La fin de votre adolescence a pour cadre la prison pour femme d’Hindelbank, vous y avez vécu un enfer sur les préconisation des services sociaux qui entendaient vous rééduquer. Mais quel crime aviez-vous commis pour subir un tel sort ? 

Ursula Müller-Biondi : Mon crime fut d’être jeune, passionnée, de me révolter, et pour couronner le tout, j’attendais, sans être mariée, un enfant de mon grand amour. C’est pourquoi l’État a souhaité me « rééduquer ».

Je suis issue d’une famille italo-suisse : mon père était Italien et ma mère Suisse allemande. Bien que mon père soit né en Suisse et que sa mère soit aussi une Suisse allemande, il a toujours été considéré comme un étranger. Cela a créé de fortes tensions dans notre famille.

À l’âge de 15 ans, afin d’éviter ces tensions dans ma famille qui s’aggravaient de plus en plus, un de mes professeurs m’a conseillé d’aller en Suisse romande comme jeune fille au Pair.

Je pense qu’il m’a aussi conseillé en ce sens parce qu’à plusieurs reprises, il m’a vu avec un œil au beurre noir et des bleues sur mes bras.

Malheureusement en allant dans cette famille d’accueil au pair, je suis passée de la pluie à la tempête. J’ai subi pendant des mois des abus sexuels de la part du père de famille âgé de 38 ans.

J’en suis devenue boulimique et j’ai dû interrompre mon séjour pour retourner à Zürich.

Au retour, mon père a essayé de m’éduquer comme à son habitude, par la violence.

De fil en aiguille, durant cette période plutôt tumultueuse où j’ai fugué à peu près 5 à 6 fois, j’ai rencontré mon grand amour. Il s’agissait d’un Suisse, le futur père de mon enfant. Il avait sept ans de plus que moi. Divorcé, il devait attendre encore un an et demi pour pouvoir se remarier et, à l’époque, il était hors de question de vivre en concubinage.

Comme nous voulions vivre ensemble, nous avions dû partir à l’étranger, là je suis tombée très vite enceinte. Nous savions alors que nous ne pouvions pas retourner en Suisse avant mon quatrième mois de grossesse, mineure, j’aurais risqué un avortement forcé. Alors que j’étais enceinte de 5 mois, j’ai eu un malaise et j’ai dû aller à l’hôpital en Italie. Comme j’e n’avais pas encore la majorité,  je me suis fait renvoyer en Suisse.

CEDIF : De retour à Zürich, ce sont vos parents qui ont accepté de vous placer dans cette prison, ils ne savaient pas ce qui vous y attendait, comment ont-ils été trompés à ce point ? 

Avant l'internement
Avant l’internement

Ursula Müller-Biondi : Afin de m’éloigner de mon ami et de protéger mon enfant à naître, on m’a envoyé à la maison d’éducation de Hindelbank dans le canton de Berne. Cet endroit avait été recommandé à mes parents comme un lieu duquel je ne pouvais pas m’échapper et où je pouvais faire un apprentissage, être formée à tenir un ménage et recevoir une rééducation.

Donc, ils ont signé pour une maison d’éducation et jamais pour une prison. Mais, mes parents n’avaient aucune idée du lieu où j’allais réellement, parce qu’ils avaient une confiance aveugle dans les autorités. Cette confiance aveugle leur a coûté presque 7 000 francs suisse, ce qui représentait une fortune à l’époque !

CEDIF : Ce lieu, Hindelbank, comment « rééduquait-il » au quotidien ? 

Pendant l’internement, notre vie de tous les jours nous mettait en contact avec les condamnées que ce soit pendant le travail, les repas et la promenade d’une heure dans la cour. À partir de 18:30 jusqu’à 6:30 heures du matin nous étions en permanence isolées, toutes seules dans notre cellule de 8,5 mètres et c’était la même chose pendant le week-end.

À cause de ça, aujourd’hui encore, je souffre de claustrophobie.

CEDIF : Est-ce qu’à l’époque les familles Suisses étaient informées des méthodes de « rééducation » et de contrôle social ? 

Ursula Müller-Biondi : Non, je ne pense pas parce qu’ils avaient tous une confiance aveugle dans les autorités.

En plus, parmi les personnes internées administrativement, nombreuses sont celles qui ont subi dès leur enfance une violence physique et psychique inimaginable : châtiments corporels, isolement et abus sexuel dans des foyers, des fermes où nous avons été placés d’office.  Ils avaient pu subir de telles maltraitances également dans des familles d’accueil, comme jeunes filles au pair et même dans leur propre famille.

Finalement, nous atterrissions, soi-disant pour notre « protection », dans des maisons de rééducation qui cependant étaient fréquemment des prisons et dans lesquelles nous restions souvent enfermées pour une durée indéterminée.

En plus, n’oublions pas les milliers d’adoptions, d’avortements, de stérilisations et de castrations forcés !

Les autorités, elles avaient beaucoup trop de pouvoir et personne ne les contrôlaient.

CEDIF : Quel différence alors entre cet « internement administratif » et un internement pénal ? 

hindelbankUrsula Müller-Biondi : On nous distinguait par la couleur de nos vêtements, nous en brun, les autre en bleu.  Pour le reste, les conditions qui nous étaient faites différaient : 

  • Pour les condamnées, c’était l’État qui payait et pour leur travail elles étaient rémunérées.
  • Nous, les internés administratifs avons dû faire le même travail que les condamnées. D’un côté les parents payaient pour la soi-disante  «rééducation» et les frais de soins presque 7 000 francs suisses et, de l’autre côte, nous, les adolescentes censées être protégées et rééduquées étions soumises au travail forcé sans être payées. Pour l’État, c’était une affaire lucrative  !

De plus nous ne savions pas quand nous serions relâchées alors que les condamnés le savaient.

Nous n’avions pas de contacts sociaux ni d’aide psychologique.

Jusqu’à aujourd’hui les hommes et les femmes internés administrativement n’ont bénéficié d’aucune réinsertion contrairement aux condamnés. Jusqu’à la l’excuse officielle du gouvernement Suisse le 10 Septembre 2010, nous, les internés administratifs étions stigmatisées comme des prisonniers ou des taulards.

CEDIF : Dans cette prison vous aviez donné naissance à votre enfant, quel sort était réservé aux bébés nés dans de telles conditions ?

Ursula Müller-Biondi : Les nouveau-nés nous étaient enlevés dés la naissance pour les faire adopter de force.

Moi j’ai eu la chance de revoir mon enfant, mais si je pense, à toutes ces femmes qui cherchent encore aujourd’hui en vain après leurs enfants. (http://www.rts.ch/video/emissions/mise-au-point/873478-le-scandale-des-enfants-voles-en-suisse.html).

Le fait d’arracher un nouveau né, de l’arracher à sa mère est une pratique tout simplement inhumaine.

CEDIF : Étiez vous la seule à Hindelbank à être placée sur les « conseils » des services sociaux ?

Ursula Müller-Biondi : Non pas du tout. Comme c’était lucratif pour l’État les « chambres » cellules il fallait qu’elles soient remplies.

CEDIF : Avez-vous revu ces fonctionnaires qui vous ont envoyé à Hindelbank, ceux qui se sont « occupés » de vous au sein de cet établissement ? Que leur avez-vous dit le cas échéant ?

Ursula Müller-Biondi : Mon directeur Fritz Meyer, je ne sais pas si il vit encore, je pense qu’il a des remords. En 2008, à 90 ans, il disait dans une interview qu’il se demandait comment il a pu accepter « ça », mais les autorités à l’époque avaient beaucoup trop de pouvoir.

Ursula avec son bébé, tous les deux en habits bruns, la couleur des internés administratifs
Ursula avec son bébé, tous les deux en habits bruns, la couleur des internés administratifs

CEDIF : Certains ont-ils fait preuve d’humanité ? D’autres se sont-ils comportés comme de véritables monstres ?

Ursula Müller Biondi : Je m’en souviens comme si c’était hier, je ne voyais plus aucun avenir. Je voulais me suicider car je ne savais pas où se trouvaient mon ami et mon bébé.

Mais j’ai eu de la chance de rencontrer de la compassion : c’est grâce à une Bonne Sœur et à une assistante sociale que  j’ai revu mon enfant trois mois plus tard.

Des monstres il y en avait. Une femme qui était alcoolique, s’était tranchée les veines du poignet. Alors qu’elle était en train de mourir, le directeur parlait d’elle comme d’une alcoolique invétérée et «hystérique».

Mais bien sûr, il y avait beaucoup d’autres exemples affreux !

CEDIF : Ceux dont vous parlez dans votre livre « Geboren in Zürich » ont-ils eu le courage de vous contacter ?

 Ursula Müller-Biondi : Oui, beaucoup d’anciennes internées administratives m’ont contacté. Mais beaucoup veulent rester anonymes, parce que même leurs familles ne savent rien de ce qu’elles ont vécu.

CEDIF : Croyez vous que les décideurs avaient conscience de l’horreur de leur politique ?

Ursula Müller-Biondi : Certains OUI !!! Mais nous étions une affaire lucrative !

CEDIF : Depuis l’administration Suisse s’est excusée, pensez-vous que ces excuses soient sincères, que ce qui s’est passé alors ne pourrait plus arriver aujourd’hui ?

L’état nous a trahi.

Si nous ne sommes pas vigilants, tout est possible.

Partout où des personnes sont livrées à d’autres personnes, il faut particulièrement veiller au respect de la dignité humaine et des droits de l’homme. C’est une des raisons pour laquelle notre association se bat pour la création d’une instance de contrôle indépendante de l’administration ayant le droit de procéder à des contrôles surprises non annoncés à l’avance. Pour justement éviter que certains mettent le profit avant la morale, comme ce fut le cas avec nous.

Les dommages causés aux corps et aux âmes des personnes qu’ils été censés protéger, ont été acceptés souvent pour des raisons purement financières.

Et n’oublions surtout pas que ce sont aussi nos proches, la famille, nos conjoints, partenaires enfants etc. qui doivent souvent porter avec nous ce fardeau. D’ailleurs il y a aussi des conjoints et des enfants de certaines victimes qui se sont suicidées parce que le fardeau de leur partenaire ou mère ou père était trop lourd à porter.

CEDIF : Certains vous ont reproché d’avoir écrit pour dire la vérité, qu’avez-vous envie de répondre à ces négationnistes de crimes d’État ?

Ursula Müller-Biondi : J’ai envie de leur demander s’ils savent :

  • Combien d’adolescents, de jeunes hommes et jeunes femmes internés administrativement ont préféré se suicider plutôt que de subir de telles violences ?
  • Combien de pères et  de mères ont souffert le martyr devant l’impuissance à défendre leurs enfants ?
  • Combien de frères et  de sœurs ont subi la honte et la risée des gens parce que l’un d’entre eux était détenu ?

Pour nous les victimes, il est odieux que l’on utilise la notion d’Internement administratif, parce que la plupart des gens ne comprenaient pas ce que ça veut dire.

C’est sournois, comme cette loi, qui a existé jusqu’en 1981. La notion d’Internement administratif ne dépeint pas la réalité qui était tout autre, puisque nous étions plus mal traités que les prisonniers.

Pour nous les victimes, la notion d’internement administrative correspond à un système arbitraire scandaleux et indigne pour un État de droit comme la Suisse. L’État nous a trahis et piégé pendant l’internement et après notre sortie, il nous a abandonné.

Il nous a infligé des blessures terribles. Elles ne guériront jamais.

CEDIF : Le préjudice est immense, qu’espérez-vous pour toutes les victimes ?

Ursula Müller-Biondi : Il est question actuellement d’un projet de loi relatif à la reconnaissance du tort fait aux personnes internées par mesures administratives, il importe que ce projet soit inséré dans une loi fédérale.

Ceci est nécessaire car c’est l’État et ses autorités qui sont responsables d’une politique familiale et de la pauvreté indigne, politique contraire aux droits de l’homme et discriminatoire.  L’état a dédaigné son devoir de surveillance en fermant systématiquement les yeux sur un point essentiel des droits fondamentaux.

Les représentants Suisses de l’État se sont rendus coupables envers ces jeunes et moins jeunes, qui restent blessés et anéantis à vie par un système ordonné par l’autorité.

Aujourd’hui le temps presse, car les personnes concernées attendent de la deuxième table ronde qui aura lieu fin Octobre 2013 des propositions concrètes pour la mise en place d’un fond pour les cas graves.

Les victimes ne demandent pas l’aumône, mais le remboursement des indemnités non payées pour des travaux forcés. Ces paiements ne seront pas à la charge des contribuables, mais des organisations responsables des faits. Il ne faut pas oublier, ces sommes n’ont jamais été prises en compte par l’assurance vieillesse Suisse (AVS).

On ne doit plus attendre jusqu’à ce que la plupart des personnes concernées soient mortes.

Le 11 avril 2013, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a demandé pardon « sincèrement et du fond du cœur, au nom du gouvernement suisse, pour les souffrances infligées« . Elle a lancé un appel marquant à éviter l’oubli et à lutter contre la tentation d’ignorer ou de refouler les pans les moins reluisants de notre histoire : de quoi non pas clore un chapitre, mais commencer un imposant travail de mémoire.

Nous espérons qu’elle tiendra parole !

Mon appel,

que j’exprime en mon nom, et également au nom des autres victimes, s’adresse à la justice ainsi qu’à la société : Ne permettez pas qu’une telle chose puisse se reproduire ! La sauvegarde absolue de la dignité humaine doit être une loi supérieure.

Merci Madame Müller-Biondi de ce témoignage-interview tout à fait émouvant et de vos paroles pour la Vérité et la Justice.

Pour nos lecteurs qui voudraient en savoir plus, nous conseillons votre site personnel ainsi que celui qui relaie votre appel.