Le cheval de Troie de l’ASE

Timeo Danaos

Le siège de Troie aurait duré 10 ans sans que les Grecs d’Agamemnon ne parviennent à pénétrer dans la cité solidement défendue.

Un matin les Troyens crièrent victoire en découvrant la plage désertée de toute présence grecque. L’armada s’était réembarquée après avoir levé le siège et les derniers vaisseaux ennemis avaient quitté l’horizon pour retourner d’où ils étaient venus.

Virgile reprend cet épisode d’Homère dans l’Énéide, en relevant qu’en place d’une armée ennemie ne restait plus qu’une offrande abandonnée aux vainqueurs : le cheval de Troie.

Le grand prêtre d’Apollon met cependant en garde les défenseurs de la cité, il les implore de ne pas se fier à ce cadeau par ces mots : « Timeo Danaos et dona ferentes », une expression latine encore largement utilisée de nos jours et dont la signification est : « je me méfie des Grecs surtout quand ils apportent des cadeaux ». Mais, il n’est pas écouté, la nuit venue les guerriers d’Ulysse sortent du cheval de bois qui avait été introduit dans les murs de la cité, ils tuent, pillent et prennent Troie.

Ce pouvoir immense et tutélaire

Virgile en tire une morale en politique qui consiste à se méfier des cadeaux de nos ennemis, cette morale est aussi celle de l’individu réduit à n’être qu’un citoyen entre les mains d’un État qu’il croit pourvoyeur de son bonheur (lire à ce sujet « Les dérives familiales de l’État-Providence » ). Ce que résume Tocqueville de la façon suivante : «  Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leurs jouissances et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leur plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? C’est ainsi que tous les jours, il rend moins utile et plus rare l’usage du libre-arbitre.»

En effet, ce pouvoir dont parle Tocqueville, c’est celui de l’État. Il est immense et tutélaire puisque nous avons accepté d’abdiquer des libertés pour nous placer sous sa tutelle.

Cette situation nous la connaissons bien, c’est celle à travers laquelle nous avons renoncé à nos prérogatives pour comme le dit Tocqueville « être fixés irrévocablement dans l’enfance », sans libre-arbitre, tant que l’État satisfait  à tous nos besoins et nos vices (du pain et des jeux). Le cadeau de l’État est notre déresponsabilisation et nous le payons de notre obéissance pour tout ce qui nous concerne, y compris notre prérogative éducative : nous ne sommes plus éducateurs de nos enfants, l’État y pourvoit. Tocqueville avait bien compris, il y a deux siècles de cela, la dérive de l’État-Providence à coups de cadeaux que nous payons sans le voir.

Méfiez-vous de l’État surtout quand il vous fait des cadeaux, il en tuera votre humanité.

La drogue de l’assistanat

Ce pouvoir est la drogue de l’assistanat dont nous parlions dans « L’État est dangereux pour la santé publique ». « La drogue de l’intervention favorise la passivité, l’apathie et la dépendance vis à vis d’un Etat dont la protection va se révéler de plus en plus indispensable. Le drogué est hautement intoxiqué et dépendant, son organisme se débilite. ( …)  La société devient une loque, esclave de sa dose d’intervention, les mentalités évoluent d’ailleurs dans le même sens avec la disparition des initiatives et la socialisation des mentalités.»

Cette socialisation est un renoncement, une servitude volontaire de celle dont parle La Boétie, elle touche au plus intime pour parachever notre déshumanisation. Oui, le plus intime, nos enfants, contrairement à la dernière des bêtes, nous en sommes réduits à ne plus défendre nos enfants, à renoncer à les éduquer par nos propres ressources. Cette socialisation des mentalités conduit au phénomène de ce que nous appelons de façon péjorative des « cas sociaux » ou « cas soc » : vous pouvez élever mon gosse à ma place tant que vous me donnez de quoi acheter mes clopes !

Nous déplorons qu’un arsenal législatif participe de cette déparentalisation, de la perte de tout repère familial conduisant à l’assistanat et à la délinquance mais aussi à la multiplication des drames de placements d’enfants dont une partie est le fruit de cette logique et le reste abusif.

Comprendre avant de dire (des conneries)

Entendons-nous bien, toute cette analyse de nature sociologique est à la base d’une action éclairée pour combattre ce fléau de la déparentalisation.

L’analyse même des mécanismes de déparentalisation et du paradigme antifamilialiste de ce qui est présenté en France, mais aussi en Suisse, Grande-Bretagne, USA, comme la protection de l’enfance, sont des préalables à toute réflexion sur le phénomène des placements d’enfants.

L’aide sociale à l’enfance (ASE) est présentée comme une aide aux familles à la façon du cheval de bois devant les murs de Troie. Son intention première n’est pas à proprement parler le massacre et le pillage des familles, mais l’adhésion à des principes dont la vertu est très questionnable car elle vise à une mise sous tutelle des parents à la façon décrite par Tocqueville.

La vocation du CEDIF est de dénoncer cet état de fait. En ce qui concerne l’action nous favorisons la conscientisation. Malheureusement il est trop tard pour réparer les dégâts infligés aux « cas sociaux » rendus inaptes à exercer leur responsabilité parentale, le placement de leurs enfants est la faute de l’État, de ses institutions et de l’idéologie qu’il véhicule. Mais le retrait de leurs enfants n’est pas abusif même si d’autres solutions existent en excluant celles qui consisteraient à ajouter des doses de drogues sociales par l’assistanat.

Non, par contre, il n’est pas trop tard pour alerter l’opinion sur des dispositifs et lois qu’il conviendrait d’abroger ou d’adapter selon les recommandations de notre programme.

Pour les autres enfants victimes de placement abusif, c’est à la justice qu’il convient de faire appel par une réforme de la procédure reconnaissant que la parole des sociaux est loin d’être sacrée, qu’il existe de nombreux conflits d’intérêts. Il faut pour cela convoquer une autre analyse dite du « Public Choice » en reconnaissant que le paradigme antifamilialiste correspond à l’intérêt de la corporation des sociaux. Comme le disait Bertrand Lemennicier : « Les hommes d’État ne sont pas guidés par le souci du bien être de la population mais par leur intérêt personnel et leur appétit de pouvoir, en dépit de la rhétorique qu’ils développent pour convaincre le plus grand nombre qu’ils agissent pour leur bien. »

Nul ne contesterait parmi les contempteurs des placements abusifs que les hommes de l’ASE prétendent défendre l’intérêt des enfants pour remplir les foyers qui se construisent et augmenter leurs budgets, ce qu’ils peuvent faire à coup de campagnes d’agit-prop et en intervenant devant les magistrats par les rapports qu’ils rédigent.

Le CEDIF demande donc aux canards sans tête travaillant également à la dénonciation des placements abusifs de cesser de plaider pour la drogue de l’assistanat contre laquelle nous invoquons le « Timeo Danas et dona ferentes ». On ne peut parvenir à juguler ce fléau par un tel moyen ; on ne parviendrait qu’à l’aggraver en confondant placements abusifss liés à des rapports sociaux défaillants voire mensongers et placements liés à une démission parentale.

Nous dénonçons donc clairement ceux qui pensent entrer dans les bonnes grâces des sociaux en refusant de diminuer les 9 milliards que nous leur consacrons. Au contraire, il convient de sevrer les sociaux et les assistés du tout social par deux biais qui sont la responsabilisation au moyen de réformes et d’abrogations législatives et réglementaires, mais aussi par la réduction des financements qui est son corollaire.

Xavier COLLET, le 29 octobre 2023