COMMENTAIRE SUR L’EMISSION «ZONE INTERDITE» DU 16 OCTOBRE 2022 SUR M6
(De Jean-Claude DORIA et Ophélie MEUNIER)
L’émission commence par ce préambule : « 150 000 enfants sont placés par l’Aide Sociale à l’Enfance mais faute de places, certains d’entre eux sont logés à l’hôtel dans des conditions indignes».
Les journalistes se sont rendus dans des lieux d’accueil d’enfants placés. Parmi ces lieux se trouvent effectivement, des … hôtels. Ils y trouvent deux adolescentes déscolarisées, livrées à elles-mêmes bien que mineures âgées de 14 ou 15 ans. Elles sont placées là, dans des chambres d’hôtel de 9 m² durant des mois et parfois des années avec pour tout encadrement, un ou deux éducateurs, 10 € pour manger par jour et de rares visites d’une référente sociale. Nul cadre ni projet éducatif, en attendant une hypothétique place dans un foyer et une prise en charge adaptée.
Même constat dans certains foyers, ceux-là même déjà visités lors du précédent Zone Interdite de 2020. Les jeunes sont souvent déscolarisés, certains s’adonnent à des faits de délinquance, de prostitution dans le cadre de leur placement. Malgré des millions d’euros investis dans la rénovation d’un de ces foyers, les éducateurs eux n’ont pas changé, ils sont dépassés et visiblement n’ont aucune compétence éducative. L’encadrement est tout simplement inexistant ou presque.
Tout n’est donc pas qu’une question d’argent comme le disent les syndicats de sociaux.
En effet la prise en charge de ces jeunes dans des hôtels coûte de 300 000 à 500 000 € par an (soit plus qu’ils n’en gagneront dans toute leur vie) et ils seraient 10 000 dans cette situation, faites le calcul. Comme le demandait un journaliste d’Envoyé Spécial en 2006 «A qui profite cet argent ? ».
La moitié des enfants placés sont accueillis également dans des familles d’accueil par des assistants familiaux recrutés, sélectionnés et agréés par les Conseils Départementaux. Mais ici aussi, les faits divers interrogent et montrent de graves défaillances dans le mode de sélection de ces familles. L’équipe de l’émission va se livrer à une expérience en caméra cachée afin de postuler auprès d’un conseil départemental. Là, les journalistes parviennent à obtenir une proposition d’emploi d’accueillant auprès d’une association auxiliaire de l’ASE, agrémentée par les services sociaux. La proposition leur est faite sans vérification de leur identité, de leurs compétences et de leur casier judiciaire. On leur propose même d’accueillir un ou deux enfants à l’essai pour commencer, sans délais de réflexion et de vérification préalable. A raison de 1 700 euros par enfant et par mois, ils pourraient en prendre … 4. La responsable associative précise que l’ASE est peu regardante, que les enfants confiés personne n’en veut.
Ce manque de vérification et l’attrait de la rémunération attire des candidats dangereux. C’est dans de telles conditions qu’une jeune fille témoignage avoir été torturée par sa famille d’accueil qu’elle accuse aussi de viols (https://www.youtube.com/watch?v=Jbjwa6yBLQk)
En France, l’État finance donc à hauteur de plus de 8 milliards d’euro par an ce fiasco financier et humain qu’il ne contrôle même plus au final. Cette mission est concédée aux services sociaux de la protection de l’enfance des départements dits « Aide Sociale à l’Enfance (ASE) » en toute indépendance, sans contrôles. Face au turn-over, à l’absentéisme, l’ASE a de plus en plus recours à l’intérim pour combler ses besoins en personnel et ouvre même des foyers éphémères comme celui situé près de Caen (14) ouvert en 2020 qui a dû fermer après quelques mois.
Comment résoudre cette pénurie de personnel car les éducateurs quittent le navire en perdition et la moitié des Assistants Familiaux prennent leur retraite ou sont sur le point de le faire bientôt ? Non seulement on va les caser chez n’importe qui et n’importe comment mais on va les placer, outre dans des hôtels, dans de nouvelles structures créées de « l’économie sociale et solidaire » (SCOP), imaginées pour suppléer au manque de familles d’accueil.
Prises en charge mal adaptées, recrutements défaillants, violences et maltraitances sur mineurs, abus voire viols, l’ASE ferait retirer les enfants à leurs parents pour moins que çà.
Des milliards engloutis pour un tel bilan ?! Des gens payés cher à ne rien faire direz-vous, comme beaucoup dans notre pays. S’il n’y avait que çà mais le plus important et le plus scandaleux, vous ne l’entendrez pas dans ce reportage.
Le plus révoltant dans tout cela, c’est que «50 % de ces placements ne sont pas nécessaires», selon la formule de Pierre Naves en 2006 et qu’alors même que tous les intervenants réclament plus d’argent pour remédier à tout ce qui est dénoncé, il suffirait de supprimer la plupart de ces placements que nous nommons abusifs pour économiser des milliards chaque année. S’ils vous disent qu’ils ne le savaient pas, ne les croyez pas plus que devant les images diffusées dans ce volet de Zone Interdite qui ne trompent pas car tout le système financier créé autour de la Protection de l’Enfance est une manne pour les Conseils Départementaux et ils ne sont pas prêt à y renoncer.
Mme Chantal GATIEN,
Présidente de l’Association Parents en Détresse