Les implications de l’affaire Emile Louis


Un pédophile meurtrier au sein de la protection de l’enfance

L’affaire Émile Louis, au-delà d’être l’affaire d’un tueur pédophile pervers, est avant tout une affaire qui met en accusation des institutions de la protection de l’enfance et révèle un véritable fiasco judiciaire. Ce point n’a peut-être pas suffisamment été mis en évidence et il convient donc de l’éclairer. 

Sa vie, Émile Louis la commence à la DDASS (ASE), abandonné à l’âge de un mois et placé dans une famille d’accueil.

Il se marie avec Simone Delagneau, « mère d’accueil » pour la DDASS. Il a déjà alors été mis en cause pour des affaires de mœurs sur des mineures, mais bénéficiera de leurs classements.

Les occasions de récidiver seront mises à profit, le pervers travaille pour les services de la protection de l’enfance de l’Yonne en tant que chauffeur de bus. Il a alors la quarantaine et c’est à ce moment qu’il commence à tuer, tout du moins selon les informations actuellement disponibles.

Sa première ou l’une des premières victimes est Jacqueline Weiss, placée chez lui et sa femme.

De 1977 à 1979, il massacrera après sévices de jeunes handicapées en familles d’accueil. Celles-là même qu’il conduit en semaine à l’Institut Médico-Éducatif d’Auxerre en qualité de chauffeur employé par l’Association pour l’aide aux adultes et jeunes handicapés (APAJH). Ces jeunes filles se feront connaître sous la dénomination des disparues de l’Yonne : Madeleine Dejust, Christine Marlot, Chantal Gras, Martine Renault, Françoise et Bernadette Lemoine, deux d’entre elles sont mineures et âgées de 16 ans lors de leur disparition, les autres sont à peine majeures et sous tutelle.

Nageant comme un  poisson dans l’eau de la protection de l’enfance, l’ogre s’installera avec sa maîtresse Gilberte Lemenorel, employée par le département comme famille d’accueil.

Il change de foyer mais pas de pratique puisqu’il violera et assassinera Sylviane Lesage-Durant, une mineure placée auprès de sa nouvelle femme.

Là, heureusement, les choses commencent à se gâter pour Émile Louis, le corps de Sylviane est retrouvé puis identifié en juillet 1981. C’est à cette époque que les langues se délient puisque trois jeunes filles placées par les services de la protection de l’enfance chez sa femme  témoignent de pratiques sadiques à caractère sexuel exercées sur elle par cet affreux bonhomme alors qu’elles avaient entre 10 et 14 ans. Une autre, Anne-Marie
racontera : « Quand j’avais 15 ans, il m’a violé dans sa cabane. J’ai pas pu en parler. J’étais une fille de l’Assistance publique et puis je me sentais sale. Les autres filles, quand je leur ai dit, elles ont répondu qu’il ne fallait pas que je fasse tant d’histoires parce qu’elles y étaient toutes passées. »

Le monstre de la DDASS avoue, puis se rétracte, là encore les faits sont appuyés par de solides preuves.

Émile Louis écopera donc d’un séjour à l’ombre pour attentats à la pudeur aggravé de 1983 à 1987, il bénéficiera cependant d’un non lieu pour le meurtre de Sylviane après une période de préventive.

L’impossible enquête de l’héroïque adjudant Jambert

Pourtant si il existe bien une personne qui a des lourdes suspicions étayées c’est l’adjudant de gendarmerie Christian Jambert. Il est sur l’affaire depuis 1981 et a bien l’intention de prouver les crimes commis.
Son enquête obstinée le conduira à ne négliger aucune piste dans la vie d’Émile Louis. Il fouille donc les archives de l’APAJH dans lesquelles il découvre qu’il n’y a pas que Martine Renault qui a disparu, en effet d’autres handicapées placées à l’Institut Médico-Associatif d’Auxerre ne portent que la mention « fugue » sur leur dossier ! Il vérifie que quatre d’entre elles habitaient le même village et connaissaient Émile Louis, des témoignages indiqueront que celui-ci adoptait aussi avec elles un comportement pour le moins suspect. L’adjudant Jambert remet donc un solide dossier d’enquêtes sur cette affaire dans l’affaire au parquet d’Auxerre en 1984, mais ce rapport ne suscite aucun intérêt et finit par se perdre dans un placard.

Après 16 années d’enquête, oui vous avez bien lu, 16 années ! Christian Jambert doit enfin être entendu par un juge d’instruction, mais il se suicide mystérieusement le 4 août 1997– très mystérieusement et d’une manière peu probable – deux semaines avant d’être auditionné.

L’ADHY au nom des famille et de la justice

Dans l’intervalle s’était constituée l’Association de Défense des Handicapées de l’Yonne (ADHY) à l’initiative de Pierre Monnoir et d’une ancienne cuisinière de l’Institut Médico-Éducatif d’Auxerre, Jeanne Beaufumé.

L’ADHY, ainsi que l’émission de télévision « Perdu de Vue » de Jacques Pradel prendront une part décisive dans la recherche de la vérité sur les victimes handicapées d’Émile Louis. Victimes dont on ne veut toujours rien savoir puisque le procureur Cazals d’Auxerre classe les plaintes des familles, lesquels sont contraintes de se porter partie civile et se heurtent ensuite à une ordonnance
de refus d’informer pour « faits trop anciens ». Le parcours d’obstacle imposé par les magistrats dans la poursuite de la justice est décidément dissuasif, d’autres auraient abandonné, mais les familles font appel de ce refus auprès de la cour d’Appel de Paris. Et là enfin l’affaire commence à être instruite. Nous sommes le 7 mai 1997, les crimes datent de presque 20 ans et Christian Jambert va se suicider de deux balles dont chacun aurait dû le tuer une fois !

Il faut féliciter à titre posthume l’héroïque Christian Jambert et l’ADHY pour ce travail mené au nom de la justice et constater que la véritable famille de ces petites handicapées était elle-même placée et ne savait même pas que leurs sœurs avaient « fugué » d’où la plainte très tardive déposée par la famille.

La coupable complaisance de la protection de l’enfance

Toute cette affaire agace les professionnels de la protection de l’enfance d’autant que les familles d’accueil n’ont pas réagi aux disparitions de leurs protégés, sauf en ce qui concerne la disparition de Martine Renault, 16 ans lors des faits.

Pour l’APAJH, laquelle gère 8 foyers pour handicapés dans l’Yonne, la situation pourrait aussi s’avérer délicate :  Nicole Charrier, au lieu de soutenir son chauffeur aurait dû porter plainte ou ne serait-ce que prévenir les autorités de façon officielle.

Mais la maison-mère de l’Institut Médico-Éducatif d’Auxerre a d’autres casseroles au fondement puisque Pierre Charrier, époux de Nicole sera condamné en 1992 à 6 ans de prison pour avoir été surpris en 1989 par une patrouille de police municipale en train de violer une pensionnaire de sa femme à l’arrière de sa voiture. L’APAJH ne trouvera alors rien de mieux à faire que de soutenir le mari violeur lors de son procès, quant à Nathalie, la victime handicapée, elle sera maintenue dans le foyer de Nicole Charrier !

Le scandale n’est pas mince, il faut souligner que l’APAJH a été créée par Pierre Charrier dans les années 70 et est dirigée par sa femme, Nicole Charrier. Cette association dédiée à la protection de l’enfance gère un budget de 80 millions de francs de l’époque et est le deuxième employeur de la ville d’Auxerre avec un effectif de 350 salariés. De là à penser qu’il n’aurait pas fallu trop embêter le couple Charrier il n’y a qu’un pas …

L’ADHY ne l’entendra cependant pas de cette oreille car l’affaire des disparues de l’Yonne n’est pas terminée.

L’association de défense des familles cherche donc des témoignages et elle en trouve, ainsi Bernadette Petitcollot, ancienne éducatrice de l’APAJH a beaucoup de choses à dire sur les comportements particuliers des responsables du foyer Guette-Soleil qui ont exercé à l’Institut Médico-Éducatif d’Auxerre. Elle désignera notamment Nicole Chartier qui aurait montrée « ses seins et ses fesses  à une enfant handicapée qui, effrayée, est partie en courant», elle évoque également les nombreuses allusions sexuelles de l’encadrement, le fait que les handicapés étaient sollicitées pour évoquer leurs relations intimes. Elle signalera aussi au procureur d’Auxerre en 1994 une fellation dont a été victime un des pensionnaires déficient mental et qui vaudra au plaignant le transfert dans un autre foyer avec retrait de sa plainte.

Il suffisait donc de parler … Suite à un rapport de l’IGAS le préfet de l’Yonne fera fermer les établissements de l’APAJH pour «des faits et des comportements d’une particulière gravité risquant de compromettre la santé et le bien-être physique des personnes qui y sont accueillies».

Les menaces d’Émile Louis

Pour en revenir à l’affaire Émile Louis, celui-ci toujours chauffeur de bus, est interpellé le 14 décembre 2000. Pensant échapper à toute peine par
la prescription des crimes commis depuis plus de 10 ans et évoquant ses protections haut placées, il ne s’inquiète pas trop.

Il finit cependant par avouer, reviendra sur ses aveux, pour expliquer ensuite avoir été possédé par le démon et entrer dans des délires ésotériques, il menace de livrer de mystérieux commanditaires si on ne le sort pas de là …

Il est condamné à perpétuité en novembre 2004 avec peine de sûreté de 18 ans, peine confirmée en appel en juin 2006, il purge aujourd’hui sa peine au pénitencier d’Ensisheim.

Émile Louis n’a rien dit sur ses réseaux, il existe pourtant d’autres affaires dans l’Auxerrois qui laissent supposer l’existence d’un groupe important de pédophiles sadiques en liaison avec la protection de l’enfance.  Il suffit d’ailleurs de creuser un peu sur l’affaire des torturées d’Appoigny.

La justice mise en examen ?

Le rapport de 24 pages de l’Inspection des Services Judiciaires (ISJ) sur l’affaire Émile Louis évoque une « succession de négligences », un « manque de rigueur », une « passivité surprenante du parquet d’Auxerre », les procureurs René Mayer puis Jacques Cazals ne sont pas épargnés, l’un pour avoir négligé l’enquête de l’adjudant Jambert, l’autre pour sa rapidité au classement.

Aujourd’hui fondamentalement tout a-t-il vraiment changé ?

La question mérite d’être posée, en effet des affaires Émile Louis il peut bien y en avoir eu d’autres dont on n’a jamais entendu parler. C’est en effet proprement miraculeux que cette affaire là ait pu sortir et elle ne le doit qu’à des personnalités fortes et obstinées par la justice comme Christian Jambert, l’équipe de l’ADHY et certainement aussi le courage de Jacques Pradel

Xavier Collet, à partir de nombreuses sources dont l’enquête de
Christophe Deloire et Anne-Cécile Sanchez pour le journal le Point du 22-29
décembre 2000.

8 réflexions au sujet de « Les implications de l’affaire Emile Louis »

  1. bonjour
    oui il existe d’autres réseaux et ce dans le monde entier la france a eu ce dossier dans les main mais qu’en a t’elle fait ? rien, passé sous silence pourquoi parce que des hommes haut placéss sont concernés venez voir ici http://wp.me/p1mAv4-1E et surtout publier a votre tour si ce n’est déjà fait.
    cordialement misskrysta

  2. Merci Miss Krysta, nous allons préparer un lien et continuer à informer sur ce qui se passe. D’autres foyers sont en proie à de la pédophilie avec la complicité active d’éducateurs, c’est aussi cela que l’on appelle des sévices sociaux à l’enfance…

  3. Petite précision… Emile Louis n’intervenait pas dans le cadre de la protection de l’enfance, mais dans le milieu du handicap…

    1. Sauf que toute la carrière de ce triste sire et même son enfance tourne autour de la DASS, idem pour ses victimes. Il ne convient donc pas de jouer avec les mots dans des affaires si sérieuses.

  4. Cette affaire est terrifiante.

    Premièrement, évidement sur les faits imposés aux victimes, (plus ceux passés sous silence qui doivent être nombreux) et les assassinats pour certaines.

    Deuxièmement, concernant les complicités effarantes de diverses institutions, magistrats, élus à divers niveaux ..

    Troisièmement enfin, et surtout, l’implication de personnalités de l’Etat !!!

    Car non seulement le gendarme Jambert a belle et bien été assassiné (à la rigueur on pourrait penser que cela fut l’ opération d’un de plusieurs complices, voir des principaux « bénéficiaires » d’Emile Louis qui pourrait n’être qu’un loufiat emmenant des handicapés chez ces violeurs hiérarchiquement plus hauts..).

    Seulement divers éléments démontrent que de très hauts fonctionnaires, journaux, élus très hauts placés ont fait en sorte de protéger Émile louis ainsi que le couple Charrier (dont le mari Pierre Charrier a AUSSI été pris en flagrant délit de viol sur une pensionnaire dans sa voiture par la police municipale si l’on en croit les divers articles) et ont volontairement orientés ou maintenu l’improbable « suicide » concernant l’assassinat du Gendarme qui avait beaucoup de choses à dévoiler.
    (Cela rappelle d’ailleurs de nombreux autres « suicidés » impossibles sous l’air François Mitterrand entre autres…).

    – Alors QUI a commandité l’assassinat de ce Gendarme ?
    – De qui Émile Louis avait il peur/confiance, au point d’assumer la totalité des faits seul alors même qu’il ne l’était pas… Tout en ayant la condescendance et l’assurance d’être « protégé par des gens très hauts placés » ?!
    – QUI au sein de l’Etat abusaient ces enfants de la DASS et avaient tout intérêt à éliminer indices et gendarme ??

    Plus on étudie cette affaire plus on a la désagréable et horrifiante sensation qu’elle n’est que l’arbre qui cache la forêt !

    En effet, et si Émile Louis n’était au final que le « rabatteur », servant à trier les proies les plus faibles, les emmener ensuite à des élus de la République ? Ministres ? Députés ? magistrats ? (Dont on connaît les penchants « pédophiles homosexuels » dont certains eurodéputés ne se cachaient même pas…et dont d’autres ont été surpris au Maroc dans ce genre de faits il y a quelques temps encore..).
    Et Émile louis qui enfin aurait eu droit en échange de ses services, d’aller rechercher les victimes de cette « élite d’Etat » afin de les violer à son tour avant de les éliminer ?

    Ce scénario est malheureusement tout à fait cohérent, et lorsqu’on connaît les profils de certaines « stars », « eurodéputés », anciens ministres voir présidents de la République …ce scénario avec les éléments et « incohérences » des procédures/pertes/oublis volontaires/assassinat(s) présentés officiellement en « suicides » par l’Etat ..

    Et ceci fait ENCORE plus peur que les viols et assassinats (déjà insoutenables dans l’horreur!) connus imputés un peu trop facilement UNIQUEMENT à Émile Louis, car l’horreur serait pire qu’imaginée, à une échelle bien plus vaste, avec des dizaines voir centaines de monstres impliquées au lieu d’1… Et des monstres étant des personnalités et dirigeants de nos institutions et dirigeants politiques !!!

    Cette affaire ne doit pas être clôturé suite à la condamnation d’Emile Louis et son décès, car derrière l’arbre il faut à présent mettre au grand jour la forêt, trouver QUI étaient les responsables de cette barbarie orchestrée.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.