L’emprise sectaire, entretien avec le Colonel (er) Guinard


JY.G
Le Colonel (er) Guinard nous répond

Nous avons eu l’occasion d’aborder à maintes reprises la question de l’emprise sectaire ainsi que des thérapies fumeuses développées notamment par des personnes qui ont le titre d’éducateurs. 

Ces questions sont traitées régulièrement dans nos colonnes car il arrive plus souvent que l’on ne l’imagine que es services de l’ASE soient instrumentalisés par des sectes.

En effet, comme il nous l’a été rapporté, les méthodes les plus excentriques sont utilisées pour « analyser » les familles. Afin de présenter les actions menées plus largement dans ce combat face à l’outil de dissolution des familles que sont les sectes, nous accueillons le Colonel (ER) Guinard, expert en la matière. 

CEDIF : Bonjour Mon Colonel, vous êtes engagé dans le combat contre les dérives sectaires, Pouvez-vous nous présenter votre parcours personnel et votre expérience ?

Colonel (er) Guinard :  Il y a environ vingt-cinq ans, un ami a vu son fils entrer dans une secte. La détresse de ce camarade, m’a conduit à l’aider. Je me suis alors engagé associativement comme adhérent, puis conseiller à l’UNADFI. Je suis devenu ensuite  conseiller et vice-président CCMM pour l’Ile de France. Enfin, j’ai été détaché de ce même CCMM, pendant presque six ans, au profit de la mairie de Courbevoie au sein de laquelle j’ai accueillis des victimes.

CEDIF : Comment peut-on définir un mouvement sectaire ?

Colonel (er) Guinard : La France, contrairement à d’autres pays, comme la Belgique par exemple, s’est toujours refusée à définir une secte, arguant de la liberté religieuse. C’est un alibi pour ne rien décider, car des exemples de définitions ont été donnés.

Ci-dessous quelques définitions possibles d’une secte :

« Sectes absolues: Celles qui rejettent les normes de la démocratie et propagent une anti-culture, fondée sur le primat d’une élite, formée dans le dessein de dominer le reste de l’humanité ».

« Une mise sous dépendance mentale, associée à une escroquerie, financière, morale,  intellectuelle ».

« On entend par organisation sectaire nuisible, tout groupement à vocation philosophique ou religieuse, ou se prétendant tel, qui dans son organisation ou sa pratique se livre à des activités Illégales, dommageables, nuit aux individus ou à la société ou porte atteinte à la dignité humaine ». (loi Belge du 02 juin 1998).

Un peu long peut-être, mais le courage d’une définition, qui n’a pas provoqué de révolution dans le pays.

CEDIF : Peut-on alors considérer une secte par ses effets ou sa finalité qui est de laver les esprits, de conditionner en rendant une personne étrangère à ce qu’elle était et à sa famille ?

Colonel (er) Guinard : C’est cela. Entrer dans une secte, c’est se couper des liens antérieurs, famille, amis, culture, habitudes, façon de s’exprimer, de vivre, de manger. Tout est renié en bloc.

CEDIF . Avez-vous eu l’occasion de dévoiler les actions de mouvements sectaires, d’en démanteler ?

Colonel (er) Guinard : « Démanteler » non, porter un coup à leurs activités, oui.  Pour cela il faut « aller sur place ». Avoir un rendez-vous avec un membre de la secte, ce qui n’est pas toujours facile. Les menaces juridiques sont entendues, et de plus, la secte se sait « repérée ».

CEDIF : Ce n’est pas simple effectivement, ces menaces juridiques sont des procès en diffamation, pourtant les faits ne sont pas des diffamations, pensez-vous que les magistrats sont mal formés à ces questions ?

Colonel (er) Guinard : L’arsenal juridique est insuffisant mais il existe. La loi dite « About-Picard » par exemple est efficace, mais pas suffisamment employée par les juges.

CEDIF : Quelles furent les cas les plus dramatiques dans lesquels vous avez eu l’occasion d’intervenir ?

 Colonel (er) Guinard : Le jeudi 10 février 2011, une mère accompagnée de son fils ainé, se présentent à la permanence de Courbevoie que j’anime. Son deuxième fils et sa fille sont dans une secte Hindoue, et reviennent précisément des Indes. Le fils est rentré très perturbé et a été hospitalisé en service psychiatrique. Il leur est conseillé de porter plainte auprès du commissariat de police, et de revenir à la permanence. Le mercredi 23 février 2011, appel téléphonique de la mère, son fils s’est jeté par la fenêtre d’un immeuble dans le 14ème arrondissement de Paris. Il y a eu beaucoup de coupables dans ce drame, à commencer par l’hôpital qui a laissé sortir trop tôt le malade. L’enquête, mal dirigée, durera deux ans sans aboutir. L’année dernière encore, la famille m’envoyait des messages.

CEDIF :  Pensez-vous que les pouvoirs publics ont les moyens de combattre les mouvements sectaires, en ont la volonté ?

 Colonel (er) Guinard :  Les moyens ? Sans doute. La volonté, non. La MIVILUDES a fait son travail, mais elle ne le fait plus. Malgré les remarques faites, la police ne s’intéresse pas aux risques sectaires. Souvent même, elle répond, ne rien y connaître !

La MIVILUDES dépend du Premier ministre, qui ne semble pas beaucoup s’intéresser à la question, au bénéfice d’autres préoccupations actuelles. En novembre 2014, le président du groupe d’étude sur les sectes (juriste ancien président de la MIVILUDES) a  appelé les pouvoirs publics à s’appuyer sur la MIVILUDES et les associations, pour empêcher les jeunes  de tomber dans la radicalisation. Appel guère entendu !

CEDIF : Il existe plusieurs mouvements antisectes, travaillent-ils en bonne intelligence et l’ensemble du paysage sectaire est-il couvert ?

Colonel (er) Guinard : Hélas non ! C’est assez stupide, mais c’est ainsi. On se livre même parfois à une concurrence destructrice. Les institutions d’information sur les sectes, donnent de bons renseignements, mais ils ne semblent être guère écoutés, ni exploités.

CEDIF : Il peut paraître étonnant que certaines « thérapies » soient enseignées et développées au sein des services dits de protection de l’enfance, comme c’est le cas en Suisse avec les constellations systémiques et familiales. Étonnant aussi qu’un éducateur propose de mettre à disposition des parents ses compétences en « analyse Trans générationnelle », une thérapie qui ressort de la psychogénéalogie.

Colonel (er) Guinard : Étonnant ? C’est le moins qu’on puisse dire. La « Trans générationnelle », par exemple, c’est la théorie du docteur Ryke Geerd Hamer, condamné en 2004 à trois ans de prison ferme pour escroquerie et complicité d’exercice illégal de la médecine. Condamnation qui n’a pas mis un terme aux agissements de l’intéressé.  Réfugié en Norvège, il continue à recruter via INTERNET.

CEDIF : Mais alors comment expliquer cette perméabilité des institutions, notamment celle de la protection de l’enfance, au développement de pratiques dénoncées comme exposant à des dérives sectaires ? Et comment peuvent réagir les parents à qui on propose de tels services ou qui sont exposés à des travailleurs sociaux formés à ces « thérapies » ?

Colonel (er) Guinard : Les parents doivent immédiatement avertir les pouvoirs publics, police, gendarmerie, la Direction de l’ Action Sociale de l’Enfance et de la Santé (à Paris,  Quai de la Rappée), Éducation nationale.

CEDIF : Les exécutifs locaux sont largement touchés puisque dans le Cher, un « chaman » fait sa publicité en se targuant de former des éducateurs et d’éveiller aux esprits de la nature par des séances de contes à destination des scolaires. Peut-on considérer que les pouvoirs publics manquent de vigilance ou qu’ils sont en partie infiltrés par des mouvements sectaires ?

Colonel (er) Guinard : Certains pouvoirs publics manquent de vigilance, et des entreprises sont manifestement infiltrées par des sectes. Le phénomène sectaire n’est pas « palpable ». Arrêter un « voleur de grand chemin » c’est plus facile que d’écouter attentivement un plaignant, qui vient dire qu’un membre de sa famille est tombé dans une secte.

Il faut savoir que le mot « secte » est proscrit dans notre pays, au nom de la liberté de croyance ! Vous êtes autorisé à parler de « dérives sectaires ». C’est une imbécilité qui perdure, cautionnée par les pouvoirs publics et la MIVILUDES.

CEDIF : Merci mon Colonel, vos conseils et actions seront très utiles aux familles exposées à l’emprise de mouvements sectaires, nous précisons aussi votre adresse mail : jy.g@free.fr.

5 réflexions au sujet de « L’emprise sectaire, entretien avec le Colonel (er) Guinard »

  1. Je suis très heureux de lire cet article. En effet j’ai démontré de mon côté, l’implantation de la scientologie dans le domaine de la Santé Publique. Par exemple, le Centre de Guidance Infantile à des bureaux dans les services pédiatriques de la la plupart de nos CHU. Mais encore dans des centres de soins prives installés en agglomération et qui organisent des consultations pour enfants placés. Le Centre de Guidance Infantile c’est …….la scientologie, tout simplement. Ainsi donc l’enfant est formaté pour rejeter son père ou sa mère selon le degré de coopération avec les services de l’Aide à l’Enfance. Le taux de réussite est de 95%. Ce taux de réussite est favorisé par l’organisation d’une rupture totale entre enfant et parent(s) protecteur (s). Le Centre de Guidance Infantile accueille l’enfant au moins deux heures par semaine. Cette prestation est, évidemment, lourdement facturée au Conseil Général. Cette prestation ne rentre pas dans le cadre de la subvention attribuée à l’Aide à l’Enfance. Tout comme les subventions attribuées aux « associations » qui travaillent en sous traitance pour l’ASE. Ce qui explique que la totalité, des subventions et factures, peut atteindre 25 000€ pour un enfant et par …….mois.

  2. Merci pour cet article fort intéressant sur l’état de la lutte contre le phénomène sectaire. J’émettrai cependant un bémol concernant les actions très décevantes du CCMM et de l’UNADFI qui enfoncent trop souvent des portes ouvertes et font preuve d’un attentisme surprenant quant les sectaires ont des responsabilités politiques, syndicales ou des mandats d’élus.

    1. J’ai eu à constater que les sourds et aveugles sont légion quand les membres de d’organisation sectaire sont des fonctionnaires, à plus forte raison quand ils sont en haut de l’échelle, mais aussi des politiques. Je sais aussi que les grandes loges maçonniques refusaient tout contact avec les sectes ou avec un membre. Mais depuis leurs gros problèmes financiers, tout à basculé en faveur des sectes, qui ont négocié leur entrée en apportant des masses d’argent frais. Il est vrai que l’argent n’a pas d’odeur. Mais quand même, il y a de cet argent qui pue vraiment !!!!!

      1. Tout à fait d’accord et merci au colonel interviewé d’être plus ouverts que ne le sont quelques prétendus officiels du combat anti-sectaire qui disparaissent dès qu’ils craignent les procès. A croire que les sectes ont les moyens de faire taire beaucoup de monde.

    2. oui nous avons eu affaire aussi au CCMM et nous sommes tombés sur des personnes peu informées et incapables d’écoute, merci pour cet interview de ce monsieur que nous avions rencontré à Courbevoie et qui relève le niveau.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.