Non, les sociaux ne peuvent garder le silence


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Certes bien des lieux de placements sont des lieux d’enfance en danger plus problématiques que des familles défaillantes, les derniers reportages de Zone Interdite sur la question l’ont révélé.

Ce qui s’y passe a notamment pour témoins les éducateurs qui y travaillent, mais que pèse l’obligation de loyauté liée au contrat de travail face à des situations de maltraitance ou de délaissement dans des MECS  (Maisons d’enfants à caractère social) ?

Autrement dit les sociaux peuvent-ils garder le silence ?

La question est posée et a pu faire passer des nuits blanches à des travailleurs sociaux en foyer qui le plus souvent ont préféré se taire ou chercher du travail ailleurs.

Face à ce dilemme, observons le cas de Laurence Macaire, veilleuse de nuit depuis 2010 dans la MECS Les Saints-Anges de l’association   Fouque à Marseille, du fameux secteur de « l’économie sociale et solidaire » qui accueille des enfants placés par l’ASE du département des Bouches-du-Rhône.

La salariée en question est témoin de faits graves. La vingtaine d’enfants garçons et filles qu’elle surveille, âgés de 8 à 17 ans, passe la nuit dans deux bâtiments espacés d’une cinquantaine de mètres, certains présentent des troubles psychiatriques.

Elle signale ces faits à la direction, en l’absence de réaction signale les mêmes faits à un syndicat de la MECS.

Faute de prise en charge par la direction, le délégué syndical saisit l’inspection du travail qui se déplace pour une visite de nuit à la MECS le 27 juin  2018. Les éducateurs informent alors l’inspectrice par un courriel déjà envoyé à la direction faisant état d’ « incidents inquiétants (…) », précisant une « connotation sexuelle assez évidente ». La direction répond n’avoir pas été saisie « de rapport d’incident concernant ces faits ». L’inspectrice saisit le procureur de la république de plusieurs « dysfonctionnements » qui concernent « aussi bien les salariés (…) que les enfants, qui dans ce contexte ne peuvent être pris en charge correctement dans cet établissement » notant une  « promiscuité problématique » entre des enfants d’âges différents, « accentuée par l’absence d’éducateur et d’encadrement sur place la nuit ».

La brigade des mineurs réalise une enquête auprès des éducateurs, de la direction, des enfants. Puis le 12 septembre 2018, Laurence Macaire est placée 10 heures en garde en garde à vue sur le chef d’accusation de « dénonciation mensongère », autrement dit il n’y a pas d’affaire, elle est classée sans suite en décembre 2018. Puis, l’éducatrice est licenciée pour faute grave en janvier 2019 sur le fait de sa dénonciation. Elle  conteste ce licenciement devant le conseil des Prud’hommes. Face à l’obligation de loyauté, elle précise l’impossibilité de se taire et revendique le statut de lanceuse d’alerte selon la loi « Sapin II » lequel statut permet la protection contre le licenciement de toute personne qui, agissant de bonne foi, a tenté d’alerter son supérieur hiérarchique sauf en cas de danger grave et imminent de réalisation d’un crime, délit, menace ou préjudice grave pour l’intérêt général dont elle a eu personnellement connaissance.

Le  4 juin 2021, la salariée licenciée obtient gain de cause en appel devant la Cour d’Aix en Provence, son statut de lanceuse d’alerte est reconnu et son licenciement est annulé.

Cette décision est très importante. En effet, toute situation de mise en danger d’enfants dans un foyer doit être signalée à la direction par les sociaux l’ayant personnellement relevé. Faute de signalement de la direction il appartient aux sociaux d’en faire part à l’inspection du travail voire au grand public.

Nous serons attentifs à toute information en ce sens car à défaut d’informer sur ce qui se passe dans leur établissement les sociaux pourront être poursuivis pour non signalement de mineurs en danger.

Sources : https://www.leravi.org/justice/prudhommes/ca-la-fouque-mal/

https://www.youtube.com/watch?v=YzvHjmbaTMI, qui analyse cependant les associations liées à l’ASE comme « privées » alors qu’elles opèrent sur fonds publics dans les secteurs de l’économie sociale et solidaire.

7 réflexions au sujet de « Non, les sociaux ne peuvent garder le silence »

  1. L’obligation de signalement s’impose à tout citoyen même un magistrat et ils ne sont pas au dessus des lois. La JDE s’occupant de notre dossier en a fait l’expérience car une plainte a été déposée contre elle pour non-dénonciation de maltraitances sur enfant de – 15 ans : elle s’est vengée en nous suspendant nos droits mais elle sévit désormais sous des climats plus rudes et bizarrement depuis son départ de la juridiction, notre dossier prend une direction à l’opposé des décisions qu’elle prenait avec en prime une cassation de la dernière décision rendue par elle dans notre dossier d’assistance éducative. Malheureusement, le bonheur des uns fait le malheur des autres. Je plains les familles qui se retrouvent sous sa toute puissance.

    1. Théoriquement oui à condition de bonne foi.
      C’est donc plus complexe dans le cas d’un contrat de travail.
      Raison pour laquelle nous publions cet article qui n’aurait aucun intérêt sinon.

      Il faut bien comprendre ici le sens de la décision de la CA Aix en Provence qui permet à la salarié de dénoncer après que sa hiérarchie n’ait pas bougé. Faute de cette décision de justice qui fait jurisprudence la dénonciatrice aurait été considérée de mauvaise foi (d’autant que classement sans suite des faits dénoncés) et son licenciement n’aurait pas été abusif.
      Là il en va tout autrement du fait du statut de lanceuse d’alerte accordé à la salariée.

      1. Dans un IME les educs ont dénoncé , ils ont gagné devant les prudhommes , par contre le dossier et les plaintes sont toujours chez la proc ….

      2. Merci de l’information, nous sommes toujours preneurs de nouvelles fraîches, témoignages et actualisation des éléments que nous publions.

  2. Merci, la video nest pas disponible merci à Blast pour ses investigations et ses documentaires aussi bien sur les MECS , sur le Educs et sur le FA, nous demandons un doc sur les placements abusifs mail de la journaliste de Blast : , cordialement

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