Harcelés et menacés par l’institution scolaire

Les chiffres du harcèlement

Alors que l’éducation nationale communique sur la priorité qu’elle accorde à la lutte contre le harcèlement scolaire, un enfant sur 4 souffre et quelquefois meurt d’une sauvagerie qui se répand hors des murs de l’école avec, osons le dire, une volonté de l’institution de se couvrir de ce qu’elle permet.

Un drame révélateur

Revenons sur les détails d’un nouveau drame du harcèlement.

Nicolas, 14 ans, lycéen lors de l’année scolaire 2022-2023 en troisième prépa-métiers au LEP Adrienne Bolland à Poissy, dans les Yvelines, subit dès la rentrée un harcèlement qui le conduit à une première tentative de suicide en janvier 2023.

Les parents, dévastés, s’en émeuvent, ils rencontrent l’équipe pédagogique le 10 mars 2023 qui promet de réagir… Faute de résultat, en avril, les parents informent le lycée du dépôt d’une main courante au commissariat de Poissy. Le proviseur répond le 20 avril en arguant de mesures mises en place, affirmant comme habituellement que « la situation est en phase de résolution ».

Rien ne bouge.

Ah si, le 4 mai 2023 le rectorat de Versailles écrit aux parents en leur demandant « d’adopter désormais une attitude constructive et respectueuse envers les membres de la communauté éducative », leur attitude est considérée comme « inacceptable » et relevant de dénonciations calomnieuses dont les sanctions pénales sont détaillées. Cela sent la procédure puisque l’inversion accusatoire s’en prend aux victimes.

Nicolas se pend peu de temps après la rentrée, le 5 septembre 2023.

Les médias en parlent mais ne comprennent pas

La mort par suicide de Nicolas met en cause l’attitude même de l’institution, mais les médias ne vont pas au bout d’une nécessaire mis en accusation.

Certes, ils dénoncent la bassesse de Charline Avenel, rectrice pistonnée qui croit se dédouaner en précisant qu’elle ne connaissait pas le contenu de ce courrier qui engage sa responsabilité.

Certes, ils mettent en avant l’incompétence de l’auteur du « courrier de la honte » menaçant les parents victimes de poursuites pénales pour dénonciation calomnieuse.

Pour le journal régional « L’Indépendant » c’est la faute d’un adjoint de la rectrice, un haut fonctionnaire de la DRH toujours en poste, nommé en mai 2022 qui n’avait jamais travaillé pour l’école et qui bénéficiait d’une délégation de signature.

Mais s’arrêter là est insuffisant, il ne s’agit pas de trouver un fusible pour taire la révélation de pratiques de protection de l’institution. Il ne faut pas faire croire à l’exception, ce n’en est pas une.

Pire, les médias se laissent instrumentaliser par les syndicats

L’autre régional « Sud-Ouest » croit bon de se faire le relais de fonctionnaires de l’éducation nationale qui ne trouvent rien de mieux à faire que de dénoncer un « discours entrepreneurial », « réformateur », l’embauche croissante de contractuels dans l’académie de Versailles. Le Parisien reprend une référente académique d’un syndicat d’enseignant qui parle de « cette tentation de plaquer une vision du management et de l’organisation du travail issus du privé », ajoutant « mais ça ne fonctionnait pas » !

Où est le rapport si ce n’est la volonté de faire passer des revendications catégorielles sur le dos de la mort des usagers obligatoires de la scolarisation ?

Ce qu’il convient de taire

La pratique de la menace ne relève pas d’une vision managériale, pas plus que le mépris de l’institution parentale.

Non, ces pratiques là ne relèvent pas d’une logique privée, laquelle est attachée à la satisfaction du besoin du client, et prompte à la conciliation et à la médiation.

Non, en réalité ces pratiques relèvent du sévice public et des connivences dans l’appareil d’État : celle d’une fonction publique de l’enseignement pénétrée depuis longtemps par les travailleurs sociaux.

La menace d’action judiciaire et la prise à partie des parents sont spécifique à la mal-nommée « protection de l’enfance » dans ses rapports brutaux et défiants à l’égard des familles.

Pour les sociaux tout reproche ou contestation est un « déni », une impossibilité de communication nécessitant le recours aux voies judiciaires.

La réponse du rectorat de Versailles est assimilable à cette vision assortie de menaces consistant à éduquer les parents par la saisine d’un procureur.

Combien d’IP pour faire taire les victimes ?

Nous le savons au CEDIF, un enfant harcelé c’est aussi, trop souvent, une information préoccupante (IP) déposée contre les victimes du harcèlement. Une information qui laisse des traces et entretient une présomption d’incapacité parentale par surprotection ou violence éducative. L’enfant harcelé, dans la logique des travailleurs sociaux, est un enfant différent dont la différence est la conséquence d’une mauvaise éducation à laquelle il faut remédier.

L’institution est coupable de s’en prendre aux familles de harcelés

Nous accusons donc l’institution scolaire de se protéger contre ses négligences en faisant porter le poids des violences subies à ceux qui en sont victimes.

Aucun débat cohérent ne sera possible sur la question du harcèlement tant que la différence de l’enfant harcelé ne sera pas acceptée, ce refus de la différence n’est donc pas seulement délit voire crime du harceleur, c’est aussi une complicité de l’institution scolaire, laquelle de passive dans le harcèlement devient active quant il s’agit de harceler les familles par des menaces de  poursuites pénales  et par des placements d’enfants.

Oui, la réalité c’est que Nicolas est mort par la complicité des harceleurs et du silence de l’institution qui a couvert et menacé une famille victime. Le cas n’est pas isolé puisque de l’avis du ministre, ce sont 55  des 120 lettres envoyées à des familles de harcelés qui posent problème. Le même établissement avait menacé de poursuites les parents d’une enfant scolarisée victime d’attouchements.

L’éducation nationale permet à la mort de frapper et condamne les victimes au silence au risque de l’information préoccupante.

OUI et personne n’en a parlé, cette arme de l’Information Préoccupante permet de transférer aux travailleurs sociaux une initiative de poursuite sur présomption de « mauvaise éducation ». Elle est souvent lancée comme moyen de défense de personnels qui n’ont su réagir. Il suffira ensuite de prétendre que les parents sont virulents, surtout lorsqu’ils menacent de retirer leurs enfants d’une école défaillante, pour que l’IP devienne un signalement.

L’institution peut donc se défendre de sa faute en l’alourdissant. Par information préoccupante, puis déclenchement d’un signalement à la façon des travailleurs sociaux, bien implantés dans les écoles, elle peut conduire à ce qu’un enfant soit enlevé de sa famille pour être livré à l’insécurité physique et émotionnelle d’un placement en foyer, lieu de violence plus importante qu’un simple établissement scolaire.