De la boue dans la protection de l’enfance

Inadaptés

Marek, Gaël, Léonard et trois autres enfants et adolescents s’étaient retrouvés un jour, plus triste que les autres, aux Tourettes à Martrin, un petit village typique de l’Aveyron. Ils ne s’y étaient pas retrouvés ensemble, mais l’un connaissait l’autre, Marek et Léonard avaient partagés ces moments où ni l’autre n’était maître de la moindre parcelle de leur destin.

L’accueil avait été rude après une séparation forcée d’avec papa, maman, mais le passage par la case des services sociaux avait donné un avant-goût. Rien de ce qui leur convenait n’était correct, il paraît que l’on ne s’occupait pas bien d’eux, et puis la scolarité n’était pas simple. Nul ne rentrait dans le cadre bien carré du fonctionnaire de l’éducation, payé pour faire ce que seuls des parents sont capables de fournir en termes d’adaptation et d’amour.
Marek avait pleuré en quittant sa famille, d’autres, des inconnus, avaient décidé pour lui. Pour Léonard c’était à peu près pareil et chacun des jeunes avait son histoire, tous avaient été considérés comme souffrant de difficultés d’adaptation : léger retard mental ou pas, autisme quelquefois, des problèmes de comportement, mais lui n’avait rien à se reprocher : ce n’était pas un délinquant. Alors pourquoi on me punit, parce que je suis un « retardé » comme ils disent   ?

Les joyeuses colonies de vacances 

EPSON MFP imagePour les services sociaux ce n’était pas une punition, juste une colonie de vacances de longue durée. Pourtant la vieille et son fils n’étaient pas souriants, on aurait dit qu’ils accomplissaient une corvée payée 140 euros par jour avec jusqu’à trois enfants accueillis simultanément. Paraît-il que cela leur faisait que 5 euros de l’heure, bah oui mais en comptant 140 divisé par 24 heures  et divisé par 2 ça fait pas lourd par enfant c’est sûr, mais sur 30 jours à 140 multiplié par 3 quand on est plusieurs ? Pour eux, à ce tarif là les corvées ce sont les enfants qui allaient y être condamnés. Aller couper du bois, y compris en pleine la nuit, emporter les draps et les laver dans la rivière. La colonie de vacances c’était plutôt un service obligatoire dans un camp disciplinaire.

Pas de ballades sympathiques le long du ruisseau de Mousse, ni de découverte du château de Cayla, à la place des marches forcées, dans la boue, sur les pierres qui coupent et sans chaussures.

Ils sont méchants

Le fils est méchant, oui vraiment méchant alors qu’il devrait assurer un minimum de chaleur, Léonard autiste en a besoin, comme il a besoin de ses repères, l’insécurité qu’il ressent est terrible. Alors il crie, et dès le début ce sont les punitions, soutenir Léonard c’est le rejoindre dans le baquet d’eau gelé dans la cour à n’importe quelle heure du jour et de la nuit pendant que le fils et la vieille les maintiennent pour ne pas qu’ils en sortent. C’était le plus terrible, on n’avait même pas pied et on croyait à chaque fois qu’on allait se noyer, qu’on voulait nous tuer. Sinon c’est la douche froide si les enfants font pipi au lit, moins pire en tout cas. De toutes façons, on peut crier ici, pleurer on ne nous entend pas.  Alors on essaie de taper, mais on le paie, ou on se fait mal, c’est cela qu’on apprend de la vie, une éducation en somme.

Cela a duré plusieurs mois pour Marek. Alors il a trouvé quelqu’un au village qui l’a écouté, on lui a dit : « Mais c’est terrible ce qu’ils te font, des parents n’ont pas le droit de faire cela, il faut prévenir les services sociaux.». Mais ce n’était pas ses parents et qui l’ont envoyé là ??? Ses parents, non ce n’est pas possible, c’est le service de la protection de l’enfance du département de l’Aveyron qui nous a mis ici !

Sanctionner qui ?

Il se rappelle de tous les détails, il n’est pas si attardé que ses gardiens voulaient bien le dire. Il aurait voulu se venger mais on lui explique que la justice ce n’est pas la vengeance, juste une façon de sanctionner ceux qui ont commis des fautes à l’égard de la collectivité.
Mais la collectivité c’est quoi ? Marek aussi ne comprend pas, la substitut du procureur demande trois ans de prison contre la vieille et deux ans pour son fils qui a sévi de 2010 à 2017, ou le contraire qu’importe.  Ils ne feront pas leur peine et puis parmi tous ces gens dans le tribunal de Rodez, il y en a d’autres qui ont participé à son malheur. Il reconnaît des visages. Ils ne sont pas arrivés comme cela par hasard aux Tourettes, on les y a bien envoyés non ?

Alors Marek regarde son avocate, Maître Fraudet, du haut de ses 19 ans, il tient la main de sa mère et déclare aux journalistes régionaux : « J’espère qu’un jour quelqu’un sera aussi méchant avec eux qu’ils l’ont été avec moi ». Quant aux autres, ils font mine de compatir, mais ils ne se trompent jamais ! Sauf peut-être Monsieur Robert, l’éducateur qui a bien voulu l’écouter et dire la vérité.

Quand le procès commence, il était là, il a entendu Maître Monestier parler pour la partie civile, pour lui et les autres face aux dommages subis, mais si il y avait des dommages à rembourser il voulait que ce soit les monstres qui paient, pas la collectivité comme disait l’autre. L’avocat parla de sévices voire de tortures, il qualifia la vieille de 77 ans et son fils de 34 ans de « Thénardier des temps modernes », comme ce couple d’aubergiste qui se faisait de l’argent en s’occupant si mal de la fille de Fantine, dans le roman « Les Misérables » de Victor Hugo. Mais c’est ça alors, Marek a vécu un roman ? Dans un roman qui finit bien il aurait fermé la bouche de la vieille qui la ramène et donne des leçons d’éducation à la mode sévices sociaux : pipi au lit c’est la douche froide, marches de nuit dans la boue sans chaussures c’est pour les calmer. Le bac d’eau gelé en plein mois de décembre c’est en dernier ressors. On a fait avec les moyens du bord dit la vieille, c’est vrai les moyens y en a jamais assez pour les Thénardiers. Alors cela se justifie, tout se justifie dit la vieille. Quand Marek veut parler, elle l’interrompt, « il délire ! » et puis l’avocat de la vieille la défend : elle et son fils avaient le sentiment de bien faire !

Chez les sociaux on a toujours envie de bien faire

De bien faire ? Et son avocate précise que la vieille remplit de telles fonctions pour le compte du conseil départemental depuis 1986. Oui, plus de 30 ans de sévices sur des enfants pour le compte d’un service de la protection de l’enfance.

Mais ils le savaient alors ?

Les parents sont bouleversés, surtout avec cette nouvelle loi sur les « violences éducatives ordinaires », aujourd’hui on peut donc enlever un enfant à sa famille pour une fessée ou des devoirs supplémentaires à la maison, une engueulade et l’envoyer dans un « lieu de vie » pareil ?

Les services de la protection de l’enfance peuvent donc arracher des enfants d’une famille aimante pour les faire casser dans un lieu de vie ? Les envoyer là-bas parce que les parents ne sont pas d’accord pour une scolarisation en IME, parce que l’enfant est autiste ? Parce qu’en France on place aussi des enfants autistes ?

« Ce n’est pas seulement un dérapage mais tout un système qui a duré des années » précise la substitut du procureur. Rien de plus juste en effet, et on pourrait en dire autant de toute l’institution dite « aide sociale à l’enfance » qui a donné l’agrément au lieu de vie de la vieille et de son fils pour 32 ans, leur place était aussi sur le banc des accusés pour leur avoir donné les moyens.

La vieille ne dit pas autre chose en précisant avoir appelé à l’aide quand elle n’y arrivait plus et en mentionnant des contrôles qui n’en était pas de véritables alors qu’elle et son fils n’ont jamais obtenu le diplôme d’éducateur spécialisé.

Exactions de l’ASE : l’obligation de sanction du président du conseil général

 André Vallini ne répond pas au CEDIF …

Dans notre lettre ouverte à André Vallini, président du conseil général de l’Isère, nous défendions le projet, malheureusement avorté, consistant en des suppressions de postes de travailleurs sociaux et plaidions pour toutes mesures alternatives aux placements.

Nous n’avons cependant pas reçu de réponse à cette lettre. Une absence de courtoisie tout à fait déplorable, d’autant que la situation des familles en Isère n’est pas franchement plus favorable que celle que nous connaissons dans d’autres département, voire pire.

… Une famille sollicite donc sa réponse 

La situation faite par les services de l’ASE à la famille Delvarre nous amènera à la soutenir et à appuyer leur manifestation devant les locaux du conseil général, une nouvelle manifestation nationale soutenue par SOS Parents Abusés donnera lieu à un rendez-vous avec Brigitte Périllié, chargée de la famille et de l’enfance en danger au conseil général de l’Isère, ceci en présence de la presse.

C’était l’occasion pour les journalistes présents, pour la famille Delvarre, de revenir notamment sur les principes d’une défense de mesures alternatives au placement sur lesquels nous attendions encore la réponse d’André Vallini.

Paroles, paroles …

Brigitte Périllié se montrera alors conciliante, semblant soutenir la volonté des parents d’enfants placés à exercer leurs prérogatives parentales. La disqualification des familles par les services de l’ASE serait donc reconnue et dénoncée.

Brigitte Périllié s’engagera en paroles à réformer l’ASE dans les mois et les années qui viennent pour favoriser l’accompagnement parental plutôt que les placements.

Plus de moyens pour l’ASE = plus de familles disloquées

Il faut dire que les placements sont favorisés par le Conseil général de l’Isère, le développement de l’interventionnisme social dans le sillage de la loi de 2007 sur la protection de l’enfance ne réserve pas ce dispositif aux seuls véritables maltraitances qui les justifient. Effectivement, il suffit de suspecter un dysfonctionnement réel ou non d’une famille pour le résoudre en placements. ’

Un principe dans la droite ligne des syndicats de travailleurs sociaux au nom de la préservation des postes. Brigitte Périllié le fonde d’ailleurs par les moyens financiers importants dont dispose le département de l’Isère et donc l’ASE.  Expliquant qu’a contrario les départements dans l’incapacité financière de développer des places collectives favorisaient le maintien dans les familles tant que cela était possible.

Une piste que Brigitte Périllié considère plus humaine et qui devrait constituer un axe de la réforme de la protection de l’enfance en Isère. Cette même réforme qui avait mis les travailleurs sociaux dans la rue en mars 2013 et dont nous parlions dans notre lettre.

On attend les nécessaires coups de pied au cul
On attend les nécessaires coups de pied au cul
Des actes et des sanctions sont exigés

Nous avons donc là des réponses à ce que nous demandions, mais ce sont des actes que nous attendons désormais.

Sans attendre une réforme, il appartient aux chefs des exécutifs départementaux de faire face à leurs responsabilités.

Des actes disons nous !

Ainsi, alors même que la famille Delvarre évoque des mensonges calomnieux énoncés par le lieu de vie  et repris par les travailleurs sociaux dans leurs rapports,  la plainte n’est pas la seule solution pour sévir surtout du fait que de telles plaintes sont souvent classées et nécessitent de passer par la voie civile avec tous les frais que cela entraîne.

Pourtant des rapports calomnieux, on en trouve dans de nombreuses affaires.

Les familles réclament donc d’abord la sanction disciplinaire. Il ne saurait être ignoré qu’un responsable hiérarchique convaincu des indélicatesses d’un subordonné enquêteur social doit le dénoncer et le sanctionner ; à défaut il devient son complice.

Comme le rappelle un directeur territorial de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse :

« Concernant l’excès de pouvoir au sein de la Protection de l’Enfance, c’est au Président du Conseil Général, via son directeur Enfance Famille, de mettre de l’ordre dans ses troupes. En effet la loi du 5 mars 2007 confère au Président du Conseil Général le suivi en matière d’assistance éducative et de protection de l’enfance ; mission qu’il exerce lui-même grâce à ses services de l’Aide Sociale à l’Enfance ou par le biais d’associations habilitées dont il a toute latitude de retirer l’habilitation si le travail n’est pas fait correctement (et il sera suivi en cela par la Protection Judiciaire de la Jeunesse, ministère de la Justice). »